Un employeur peut-il modifier les conditions de travail d’un salarié protégé ?

Un employeur peut-il changer les conditions de travail d’un salarié protégé ?

Le Code du travail a mis en place un statut particulier afin de protéger certains salariés dont la liste figure aux articles L2411-1 et L2411-2 du Code du travail. Parmi ces salariés figurent notamment les délégués syndicaux, les membres élus de la délégation du personnel du CSE, les représentants syndicaux au CSE ou encore les représentants du CSE. Ces salariés vont bénéficier d’une protection qui se matérialise par une procédure particulière en cas de licenciement.

Afin de procéder à des ajustements dans sa stratégie, l’employeur peut proposer des modifications du contrat de travail ou des conditions de travail à ses salariés. Quelle est la différence entre la modification du contrat de travail et la modification des conditions de travail d’un salarié ? L’employeur peut-il imposer une modification des conditions de travail d’un salarié protégé ?

Les notions de modifications de contrat de travail et de changement des conditions de travail

La distinction entre modification du contrat de travail et changement des conditions de travail est essentielle en droit français. En effet, le contrat de travail liant les parties ne peut être modifié sans l’accord des deux parties, contrairement au changement des conditions de travail du salarié qui peut être imposé aux salariés, car il s’agit de la manifestation du pouvoir de direction de l’employeur.

La jurisprudence a délimité le périmètre de chacune de ces notions.

En effet, la Cour de cassation considère de manière constante que la modification d’un élément essentiel du contrat de travail nécessite l’accord du salarié. Le salarié ne pourra donc pas être sanctionné en cas de refus.

La notion de modification du contrat de travail

Les juges considèrent notamment que sont des éléments essentiels du contrat de travail :

  • La rémunération
  • La qualification professionnelle du salarié
  • La durée du travail lorsqu’elle est contractualisée
  • Le lieu de travail : il s’agit d’un élément essentiel en l’absence de clause de mobilité et en cas de mutation proposée en dehors du secteur géographique de l’employeur initial.

L’appréciation du caractère essentiel de la modification proposée est réalisée au cas par cas par le juge. Ainsi, par exemple, la modification des horaires de travail pour un salarié à temps partiel est considérée comme une modification du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié.

La notion de changement des conditions de travail

Les éléments qui ne sont pas considérés comme essentiels du contrat de travail seront de simples changements des conditions de travail.

Le changement des conditions de travail se définit, à contrario, comme la modification des éléments non essentiels du contrat de travail.

Le refus du salarié d’un changement de ses conditions de travail peut être constitutif d’une faute justifiant son licenciement.

Toutefois, le salarié pourra refuser un changement de ses conditions de travail en cas d’atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale.  Le juge va apprécier la validité du changement en fonction des conséquences de la modification  des conditions de travail pour le salarié.

Illustration :

La Cour de cassation a considéré   dans un arrêt du 29 mai 2024  que le passage ponctuel d’un horaire de nuit à un horaire de jour, d’un salarié ayant un enfant handicapé à charge, portait une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale et était incompatible avec les obligations familiales impérieuses. Le salarié était donc en droit de refuser la modification de ses conditions de travail.

Le changement des conditions de travail d’un salarié protégé

L’employeur ne peut imposer aucune modification de contrat de travail ou changement de ses conditions de travail à un salarié protégé. (Chambre sociale de Cour de cassation, 25 novembre 1997  n°94-42.727)

Cette règle est une règle absolue. Elle s’applique tant pour les modifications du contrat de travail d’ordre économique que celles d’ordre disciplinaire.

Si le salarié protégé refuse le changement de ses conditions de travail, l’employeur aura deux possibilités :

  • Maintenir le salarié protégé dans sa situation actuelle
  • Licencier le salarié en respectant la procédure spéciale de licenciement , l’inspecteur du travail devra donner son autorisation pour le licenciement. Il devra vérifier que le refus est d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement. L’inspection du travail pourra, par exemple,  refuser le licenciement si le changement des conditions de travail a des incidences sur le mandat du salarié protégé.

 

À noter que la Cour de cassation a considéré dans un arrêt du 15 février 2023 que « l’acceptation par un salarié protégé d’une modification de son contrat de travail ou d’un changement des conditions de travail ne peut résulter ni de l’absence de protestation de celui-ci, ni de la poursuite par l’intéressé de son travail ». L’acceptation doit donc être expresse (idéalement par écrit pour des questions de preuve).

La distinction entre modification du contrat de travail et des conditions de travail peut être compliquée. Elle est néanmoins primordiale et doit être maîtrisée par les élus, tant pour l’application de leur statut protecteur que pour protéger les salariés de l’entreprise. En cas de besoin, n’hésitez pas à nous contacter.

Thomas Chevillotte, Juriste/Consultant expert CSE