Les sanctions du non-respect des règles de mixité dans l’établissement des listes de candidats aux élections professionnelles

L’établissement des listes de candidats aux élections professionnelles est laissé à l’appréciation des syndicats mais doit respecter certains principes liés à l’égalité femme/hommes. Les sanctions en cas de non-respect peuvent avoir des conséquences importantes sur les résultats obtenus lors des élections.

Les sanctions en cas de non-respect des règles de mixité dans l'établissement des listes de candidats

Rappel du principe de proportionnalité entre les sexes dans l’élaboration de la liste des candidats et leur présentation alternée

La liste de candidats pour chaque collège doit comporter un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part des femmes et hommes inscrits sur la liste électorale du collège. C’est ce que l’on appelle le principe de proportionnalité.

A ce principe de proportionnalité des listes s’ajoute l’obligation d’une présentation alternée des candidats jusqu’à épuisement des candidats d’un des genres.

Ces principes sont énoncés à l’article L 2314-30 du code du travail et s’appliquent aux titulaires comme aux suppléants.

Pour plus d’informations sur l’application de ces principes vous pouvez consulter notre article dédié à ce sujet

Ces règles vont conduire à exclure, en principe, la validité d’une liste à candidat unique mais n’empêche pas de présenter des listes incomplètes.

Les sanctions en cas de manquement aux principes de mixité dans l’établissement des listes de candidats

L’article L 2314-32 du code du travail fixe les sanctions en cas de non-respect de ces deux principes.

Le non-respect du principe de proportionnalité des candidats hommes/femmes peut entrainer l’annulation de l’élection du ou des candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste. Le juge pourra annuler l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats.

Le non-respect de la présentation alternée des candidats va entrainer l’annulation de l’élection du ou des élus dont le positionnement sur la liste ne respecte pas les prescriptions.

Il n’est donc pas question d’une annulation de l’élection dans son ensemble. L’annulation de l’élection d’un élu ne pourra qu’être prononcée par le tribunal. C’est-à-dire qu’en cas de non-respect de ces règles si personne ne saisit le tribunal, l’annulation ne pourra être prononcée.

Illustration :

Une société de 120 salariés composée de 35 femmes et 85 hommes (appartenant au même collège) doit élire 6 titulaires. Après calcul de la proportionnalité 2 femmes et 4 hommes doivent figurer sur les listes.

Deux syndicats présentent les listes suivantes :

Liste A   Liste B
-Alain C.    -Chantal C.
-Michel M.   -Karim A.
-Sophie R .   -Catherine L.
-Jean P. -Serge G.
-Paul J.      -Gilbert M.
-Pierre C.   -Olivier T.

*en bleu les candidats élus

Le syndicat qui a présenté la liste A obtient 4 sièges et la liste B 2 sièges.

Le syndicat B effectue une action en justice après proclamation des résultats pour contester la validité de la liste A.

La liste A ne respecte pas la règle de la proportionnalité puisque 1 femme et 5 hommes sont présentés (contre 2 femmes et 4 hommes exigé par la loi).

Les hommes sont donc surreprésentés. En suivant l’ordre inverse de présentation sur la liste c’est Jean P. qui est le dernier homme élu figurant sur la liste. Son élection sera donc annulée.

De plus, la liste ne respecte pas le principe de présentation alternée puisque deux hommes sont présentés aux deux premières places de la liste.

L’élection de Michel M. pourra donc être annulée par le juge. Ainsi, la liste respectera la règle de l’alternance.

Ainsi, le syndicat B pourra obtenir l’annulation de l’élection de deux élus. Dans ce cas la majorité obtenue lors des élections sera perdue puisque le syndicat A et le syndicat B auront 2 sièges chacun.

Conséquences de l’annulation de l’élection du fait du non-respect de ces principes

La saisine du juge pour non-respect de la proportionnalité et/ou du principe d’alternance peut être réalisée avant l’élection ou après celle-ci.

Le Code du travail précise que l’annulation de l’élection d’un candidat ne lui fera perdre son mandat qu’à compter du jour du prononcé de cette annulation. Par conséquent, les actions que l’élu a mis en place avant l’annulation ne sont pas remises en question.

La Cour de cassation a estimé dans, un arrêt du 22 septembre 2021, que l’élu titulaire dont l’élection est annulée ne peut être remplacé par un suppléant. Le siège en question restera donc vacant.

Les enjeux sont donc très importants car l’annulation d’un mandat d’un ou plusieurs membres élus du CSE n’implique pas forcément de nouvelles élections.

En effet, de nouvelles élections (appelées « élections partielles ») ne devront être mises en place par l’employeur que si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires du CSE est réduit de moitié (article L2314-10 du code du travail).

Dans l’exemple que nous avons réalisé les mandats de 2 élus sur 6 sont annulés. Le nombre de titulaire est donc de 4. Il n’y aura pas de nouvelles élections.

Enfin, l’annulation de l’élection de candidats aux élections professionnelles pour non-respect des principes liés à la mixité professionnelle est sans incidence sur la représentativité des organisations syndicales qui reste calculée en fonction des suffrages recueillis par la liste au premier tour de l’élection des membres titulaires au CSE. La désignation d’un candidat ayant reçu au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour en tant que délégué syndical ne sera pas non plus remise en cause.

Conclusion

Une liste ne respectant pas le principe de proportionnalité et la présentation alternée des candidats peut donc redistribuer toutes les cartes et remettre en cause une majorité de sièges obtenue dans un CSE par un syndicat. Il est donc capital de réaliser un travail, en amont de l’établissement de la liste, afin de se prémunir contre une annulation de l’élection d’un ou plusieurs mandats.  N’hésitez pas à nous contacter en cas de besoin.

                                                                                                                                                                                                      Thomas Chevillotte, Juriste/Consultant expert CSE