Un salarié reclassé n’est pas un salarié recruté !
Le reclassement et le recrutement sont deux notions distinctes dont la nuance joue un rôle primordial pour l’employeur. En effet, préalablement au licenciement pour motif économique du salarié, l’employeur se doit de mettre en œuvre tous les moyens afin de permettre le reclassement de cet employé.
Par conséquent, il n’est pas possible de conditionner le reclassement d’un salarié aux résultats d’un entretien qu’il aurait passé (comme lors d’une phase de recrutement). C’est en tout cas ce que la Cour de Cassation, dans son arrêt du 1 juillet 2020, met en exergue.
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Un employeur conditionnant le reclassement
Une entreprise, connaissant des difficultés économiques, décide de fermer définitivement l’un de ses établissements et, a fortiori, de licencier la cinquantaine de salariés via un plan de sauvegarde de l’emploi basé sur le motif économique.
Toutefois, après leur licenciement, une partie des salariés entre en contentieux avec cet employeur qui, selon eux, n’a pas mis en œuvre tous les moyens à sa disposition pour les reclasser au sein du groupe. Le principal grief qui est fait à l’employeur est que l’ensemble des propositions soumises aux salariés licenciés n’étaient pas fermes puisque conditionnées à la réussite d’un entretien permettant l’embauche sur le poste.
Or, le reclassement d’un salarié qui risque de perdre son emploi pour un motif économique est une obligation et non une condition. La Cours de Cassation se charge de le rappeler dans cet arrêt.
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Une décision constante de la Cour de cassation
Rappelons que le licenciement économique d’un salarié ne peut intervenir dès lors que tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que son reclassement ne peut pas être envisagé sur les postes disponibles au niveau national, de l’entreprise ou du groupe auquel l’entreprise appartient. De plus, l’employeur doit chercher à reclasser individuellement les salariés.
L’employeur ne peut être dispensé de son obligation de reclassement, qui doit être effective et sérieuse, comme la Cours de Cassation l’envisageait dans un arrêt précédent où une entreprise avait licencié les salariés sans avoir attendu la réponse des entreprises du groupe qu’elle a sollicitées.
Précisons que ce reclassement vise les emplois relevant de la même catégorie que celui occupé par le salarié ou un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. Subsidiairement, et avec l’accord exprès du salarié, le reclassement pourra être envisagé sur un emploi de catégorie inférieur.
Dans le cas des salariés précités, la réussite d’un entretien individuel conditionnant le reclassement de ces derniers va à l’encontre de l’esprit du processus de reclassement considéré comme le dernier palier afin d’éviter la perte d’un emploi.
Dès lors qu’une possibilité existe pour l’employeur de sauver des emplois, ce-dernier doit la mettre en œuvre et rien ne peut faire obstacle à ce droit pour le salarié.
La Cour de Cassation, le 1er juillet 2020, dans son arrêt expose la défaillance de l’employeur dans la fermeté des offres de reclassement proposées aux salariés.
Considérant que l’employeur qui se contente de recenser les emplois disponibles dans l’entreprise et autorisant les salariés menacés de licenciement à y candidater ne remplit pas son devoir de reclassement. La Cour de cassation fait donc droit à la demande des salariés contestant leur licenciement sur ce fondement.
L’enjeu est de taille pour les entreprises puisque l’ensemble de ces licenciements pour motifs économiques sont requalifiés en licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse ouvrant droit, pour les salariés, à des dommages et intérêts.
L’employeur aurait pu effectivement organiser des entretiens dès lors que ceux-ci ne conditionnaient pas le reclassement des employés sous le coup d’un licenciement pour motif économique.
La vigilance est donc de mise quant à la réelle mise en œuvre des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi, un salarié pour qui l’employeur limiterait l’accès au reclassement serait enclin à porter le litige devant le juge qui, sans aucun doute, suivrait la jurisprudence de la Cour de cassation et débouterait l’employeur. Le reclassement étant le dernier fusible avant la rupture du contrat de travail.
Sources :
- soc. 1-7-20 n°18-24.608
- soc. 9-1-2002 n° 00-40.437
- soc. 21-3-2001 n°99-43.108
- Art L. 1233-4 al. 1 Code du travail
- Art L. 1233 al. 3 Code du travail
Mehdi Bischoff, Juriste