Un accord d’entreprise peut organiser le remboursement d’une partie des cotisations syndicales annuelles

Dans une décision du 27 janvier 2021, la Cour de cassation s’est prononcée sur la possibilité pour les partenaires sociaux d’organiser par accord d’entreprise le remboursement par l’employeur d’une partie du montant de la cotisation annuelle versée par les salariés aux syndicats auxquels ils sont adhérents.

  • La possibilité de prévoir par accord collectif la prise en charge par l’employeur d’une partie de la cotisation syndicale annuelle

Dans cette affaire, diverses entreprises regroupées en UES ont conclu un accord collectif dont un article organisait le remboursement par les sociétés, par le biais des syndicats et d’un organisme tiers, du reste à charge des cotisations syndicales individuelles versées par les salariés aux syndicats représentatifs.

La Fédération nationale des industries chimiques a saisi le juge des référés afin d’obtenir la suspension de la mesure dont la Fédération contestait la légalité. La Fédération syndicale ayant obtenu la suspension de l’application de la mesure en référé, l’UES a contesté cette décision en appel puis devant la Cour de cassation.

En effet, la cour d’appel avait jugé le dispositif illicite car il permettrait à l’employeur de disposer d’une « information, non prévue par la loi, sur le nombre d’adhérents des syndicats » et d’une « information sur l’influence des syndicats tous les ans », ce qui créerait d’après la juridiction un risque de mettre en œuvre un contrôle de l’influence des organisations syndicales. Était également reproché à l’article de l’accord collectif de ne pas apporter suffisamment de précisions sur le choix et les modes d’intervention de l’organisme extérieur, insuffisance qui d’après la cour d’appel, était de nature à présenter un risque pour la communication des données personnelles.

Pour demander l’annulation de la suspension de l’article, l’employeur soutenait quant à lui que le dispositif de remboursement des cotisations syndicales assurait pleinement l’anonymat des adhérents, les organisations syndicales étant les seules dépositaires des données personnelles des adhérents. En outre, l’employeur invoquait la légalité de ce type de dispositif admis par la jurisprudence, ainsi que la fiabilité du mécanisme assurée par l’intervention d’un organisme extérieur indépendant.

  • Une prise en charge sous conditions

Par ce jugement, la Cour de cassation rappelle qu’un accord collectif peut instituer des mesures visant à favoriser l’activité syndicale et à encourager l’adhésion des salariés de l’entreprise aux organisations syndicales, et prévoir dans ce cadre la prise en charge par l’employeur d’une partie du montant des cotisations syndicales annuelles.

Néanmoins, un tel dispositif conventionnel doit respecter certaines conditions :

  • L’accord ne doit pas porter atteinte à la liberté du salarié d’adhérer ou de ne pas adhérer au syndicat de son choix ;
  • L’accord ne peut pas permettre à l’employeur de connaître l’identité des salariés adhérant aux organisations syndicales ;
  • L’accord en place doit bénéficier tant aux syndicats représentatifs qu’aux syndicats non représentatifs dans l’entreprise.

Or, dans cette affaire, la dernière condition n’était de fait pas respectée puisque le dispositif de remboursement ne concernait que les cotisations émises au profit des seules organisations syndicales représentatives. Le remboursement ne bénéficiant pas aux adhérents des syndicats non représentatifs de l’entreprise, la Cour de cassation a statué en faveur du maintien de la suspension de l’article litigieux.

Enfin, la Cour de cassation laisse la possibilité d’organiser le remboursement des cotisations annuelles syndicales par accord d’entreprise avec pour limite que le montant de la participation de l’employeur ne doit pas représenter la totalité du montant de la cotisation due par le salarié, après déductions fiscales afin de garantir le respect du principe d’indépendance des organisations syndicales à l’égard de l’employeur. Or dans ce litige, l’accord conclu prévoyait la prise en charge par l’employeur du montant restant de la cotisation syndicale après soustraction de la partie fiscalement déductible de l’impôt sur le revenu, ce qui correspond dès lors à la totalité du montant de la cotisation syndicale. En cela le dispositif contrevenait au critère d’indépendance requis pour établir la représentativité et la légitimité d’un syndicat.

Pour la Cour de cassation, il résulte de ces éléments que l’article instaurant le remboursement des cotisations syndicales annuelles constituait un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser.

Pour rappel, les salariés adhérents à une organisation syndicale peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt et déduire 66 % des cotisations annuelles de leur impôt sur le revenu (dans la limite de 1 % du revenu brut imposable dans la catégorie des salaires, pensions et rentes à titre gratuit).

 

Sources : Cass. Soc., 27 janvier 2021, n°18-10.672 ; https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1 

 

Marie-Antoinette Mavoungou, Juriste