Commission Européenne, adoption d’un socle européen des droits sociaux
Le 26 avril 2017, la Commission Européenne adoptait une proposition de proclamation interinstitutionnelle sur le socle européen des droits sociaux, première étape à laquelle elle attribue la mission « d’indiquer la direction à suivre pour renouer avec la convergence vers le haut et offrir de meilleures conditions de vie et de travail en Europe ».
Notons que cette initiative s’inscrit dans un mouvement global auquel se joignent également le Conseil et le Parlement européen.
Ce dernier ayant notamment adopté une résolution le 19 janvier 2017 ayant pour objet de définir un tel socle européen des droits sociaux en prenant acte de la nécessité « d’apporter une réponse rapide et tangible au sentiment de frustration et d’inquiétude qui grandit chez de nombreuses personnes en raison de l’incertitude des perspectives d’avenir, du chômage, des inégalités croissantes et du manque de possibilités, en particulier pour les jeunes (…) ».
QUEL CONTENU ?
20 principes et droits essentiels sont ainsi énumérés par la proposition, reprenant ceux dégagés par le droit de l’Union européenne en en complétant une partie.
3 chapitres sont alors définis, contenant les divers droits et principes généraux:
- « Egalités des chances et accès au marché du travail » ;
- « Conditions de travail équitable » ;
- « Protection et insertion sociales ».
S’y retrouvent notamment les principes de transférabilité des droits à la protection sociale et à la formation lors des transitions d’un emploi à l’autre, le principe d’égalité professionnelle entre femmes et hommes et le nécessaire équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée reconnaissant entres autres aux « parents et personnes ayant des responsabilités familiales » le droit de bénéficier de congés adaptés et de formules de travail flexibles.
Parallèlement, la Commission relève que « la flexibilité nécessaire doit être garantie pour permettre aux employeurs de s’adapter rapidement aux évolutions du contexte économiques, conformément à la législation et aux conventions collectives » en soulignant l’interdiction des abus de contrats atypiques. Les formes de travail innovantes sont ainsi préconisées en vue « d’encourager l’entrepreneuriat et l’emploi non salarié ».
A ce titre, l’organe européen conseille soit de taxer de manière différente les contrats de de droit commun (CDI) les contrats atypiques, soit d’instaurer un système bonus/malus.
Notons enfin que le principe d’un revenu minimum fait l’objet d’un point particulier, la Commission considérant qu’une personne « ne disposant pas de ressources suffisantes a droit à des prestations de revenu minimum adéquates pour vivre dans la dignité à tous les stades de sa vie, ainsi qu’à un accès efficace à des biens et des services de soutien » et que de telles prestations devraient « être combinées à des incitations à (ré)intégrer le marché du travail ».
Ce socle européen des droits sociaux prend 2 formes :
- Une recommandation de la Commission prenant effet immédiatement au jour de la proclamation ;
- Et une proposition de proclamation commune portée par le Parlement, la Commission et le Conseil.C’est, dès lors, sur la base de cette proposition commune aux 3 organes que des discussions devraient s’engager afin qu’une approbation plus large et plus contraignante du socle est lieu dans un premier temps dans la zone euro et éventuellement dans un second temps, par adhésion des Etats qui le souhaitent, dans l’ensemble de l’Union.
QUELLE PORTEE ?
Précision est apportée par la Commission que ce socle n’a pas en soi d’incidence sur le droit positif dans l’Union, les droits énumérés ne pouvant pas être invoqués directement sur son fondement.
Pour la Commission, « la plupart des instruments nécessaires à la concrétisation du socle sont entre les mains des autorités nationales, régionales et locales ; ainsi que des partenaires sociaux et de la société civile ».
Pour autant, des initiatives des institutions européennes sont constatées, dans le respect des compétences respectives leur étant attribuées par les Etats membres, avec notamment :
- Une proposition de directive sur l’« Equilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants » (incluant notamment l’instauration d’un congé de paternité d’au moins 10 jours, un congé d’aidant de 5 jours par an par travailleur s’occupant d’un proche enfant, parent, conjoint ou partenaire gravement malade ou en situation de dépendance, une modification du congé parental de 4 mois par parent désormais rémunéré, non transférable et étendu jusqu’au 12ème anniversaire de l’enfant, un droit à la mise en œuvre de formules souples de travail pour les travailleurs parents ou aidants ou encore une protection des salariés usant de ces différents droit dans le cadre d’un licenciement) adoptée par la Commission le même jour que la proclamation ici commentée ;
- Une communication interprétative de la Directive n°2003/88/CE du 4 novembre 2003 sur le temps de travail a également été adoptée le 26 avril 2017, apportant des précisions sur les contenu et application de ladite directive ;
- Une consultation des partenaires sociaux sur l’accès à la protection sociale et aux services de l’emploi des travailleurs indépendants ou atypiques, devant particulièrement prendre en compte les difficultés provoquées par les nouvelles formules de travail plus flexibles qui « peuvent éventuellement conduire à la précarité et à des inégalités », également prévue ;
- Et une refonte des règles fixées par la Directive n°91/533/CEE de 14 octobre 1991 relative à l’obligation de l’employeur d’informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail en vue de prendre en compte l’évolution du marché du travail. Un débat est ainsi envisagé sur les « garanties minimales que mériterait chaque travailleur, y compris ceux travaillant dans des conditions de travail atypiques » avant qu’une révision de la directive n’est lieu en principe fin 2017.
Frédéric Rougon, Juriste
Sources :
- Proposition de proclamation interinstitutionnelle sur le socle européen des droits sociaux du 26 avril 2017 ;
- Commission européenne – Fiche d’information – Réalisation du socle européen des droit sociaux – Questions et réponses
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