Rupture conventionnelle collective et décision de fermeture d’un site
La Cour d’appel de Versailles 1 a récemment décidé que la décision de fermeture d’un site intervenue en amont de l’homologation d’une rupture conventionnelle collective empêche la mise en œuvre de cet accord de rupture conventionnelle collective. Il appartient au juge d’annuler l’autorisation administrative intervenue en amont de l’application de l’accord.
Qu’est-ce qu’une rupture conventionnelle collective ?
Les articles L.1237-17 et suivants du Code du travail 2 concernent la rupture conventionnelle collective. Il s’agit d’une méthode de réduction des effectifs consistant à offrir la possibilité aux salariés de rompre leurs contrats de travail, par voie d’accord collectif. Cet accord doit satisfaire aux conditions de signature d’un accord majoritaire (article L.2232-12) et faire l’objet d’une consultation du CSE.
Exclusive de tout licenciement ou démission, l’adhésion à l’accord doit rester parfaitement facultative. Le salarié doit avoir le choix entre le départ volontaire et le maintien dans l’emploi.
La DREETS doit homologuer cet accord, autrement dit autoriser son exécution.
Une liberté de choix remise en cause en cas de projet de fermeture d’un site.
Selon la Cour, le fait qu’un employeur propose une RCC aux salariés après avoir décidé d’une éventuelle fermeture a pour effet de priver cette rupture de son caractère facultatif.
Dans les faits, la direction avait transmis une note évoquant le projet de fermeture du site ainsi que le transfert des activités et des collaborateurs.
En effet, dès lors que le sort du poste est fixé à défaut d’adhésion à la RCC, on peut considérer que le salarié n’a pas d’autre choix que d’y adhérer. Ainsi, l’administration devrait refuser l’homologation de l’accord.
C’est précisément ce qu’avait précisé le Ministère du travail en 2018 3 :
« La rupture conventionnelle collective ne peut et ne doit pas être proposée dans un contexte de difficultés économiques aboutissant de manière certaine à une fermeture de site, ce qui aurait pour effet de fausser le caractère volontaire de l’adhésion du dispositif et de ne pas permettre le maintien des salariés non-candidats à un départ ».
L’employeur ne doit pas pouvoir échapper à ses obligations par le biais de la rupture conventionnelle collective.
Tout l’enjeu pour un employeur qui propose une RCC alors que l’entreprise subit des difficultés économiques est de se soustraire à ses obligations en terme de licenciement économique et PSE (plan de sauvegarde de l’emploi).
En effet, en cas de telles difficultés ayant des répercussions sur l’emploi, l’employeur qui décide de réduction d’effectifs est légalement tenu d’organiser une procédure de licenciement économique. Ainsi, il convient d’élaborer un PSE, faisant l’objet d’une procédure d’information-consultation par le CSE.
Pour autant, cela ne signifie pas que difficultés économiques et RCC sont incompatibles. Il suffit de laisser libre choix au salarié quant à son adhésion à l’accord de rupture. Une RCC peut donc avoir un motif économique.
Préconisations des expertsQue l’employeur décide de proposer une RCC ou élabore un PSE, le CSE sera impliqué :
En effet, le CSE devra délivrer un avis consultatif, à différents stades selon le projet dont on parle. Pour l’accompagner dans cette mission, il peut mandater un expert. Cependant, nous distinguerons :
Un expert désigné dans le cadre d’un PSE exercerait une mission légale, rémunérée par l’employeur ; tandis que dans le cadre d’une RCC, il appartiendrait au CSE de financer entièrement la mission libre. |
Fanny Jean, Juriste/Consultante experte CSE
- CAA Versailles 20-10-2021 n° 21VE02220, Union départementale des syndicats Force ouvrière du Loir-et-Cher
- Articles L.1237-17 et suivants du Code du travail
- Questions-réponses « Rupture du contrat de travail » du Ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion
- Article L.2315-80 Code du travail
- Article L.2315-81 Code du travail