La prise en compte de toutes les ruptures pour l’appréciation des seuils de déclenchement d’un PSE

Toute rupture du contrat de travail envisagée comme modalité de réduction des effectifs doit être prise en compte pour l’appréciation des seuils de déclenchement d’un PSE. Ces seuils impliquent également une procédure d’information-consultation du CSE spécifique.

C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt récent 1 à propos des ruptures conventionnelles.

 

Les seuils de principe

Le Code du travail distingue deux types de licenciement pour motif économique.

D’une part, le licenciement de moins de 10 personnes sur une même période de 30 jours (articles L.1233-8 et suivants).

D’autre part, le licenciement de plus de 10 personnes sur une même période de 30 jours ou selon l’article L.1233-26, dans une entreprise d’au moins cinquante salariés, tout licenciement intervenu après plusieurs licenciements de moins de 10 personnes sur une même période de 30 jours pendant trois mois consécutifs (articles L.1233-21 et suivants).

Aussi, les dispositifs d’accompagnement des salariés spécifiques à la procédure du « grand » licenciement économique doivent être mis en œuvre dès lors qu’interviennent des licenciements à la chaîne et visant plus de 10 personnes ou récurrents pendant 3 mois. Le dépassement des seuils en termes de rupture du contrat de travail entraîne le déclenchement d’un PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi, articles L.1233-61 et suivants).

De ces seuils dépendent également les modalités d’information-consultation du CSE (articles L.1233-8 et suivants ou articles L.1233-28 et suivants).

Cependant, pour échapper à leurs obligations, les employeurs ont parfois usé de stratagèmes et ainsi proposé d’autres modes de rupture. Pourtant, ces ruptures avaient bel et bien pour objectif une réduction des effectifs pour un motif économique.

La Cour de cassation a donc interprété le droit dans un sens favorable aux salariés.

 

La prise en compte de tous les modes de rupture entrant dans le cadre d’un processus de réduction des effectifs

Afin d’éviter la situation dans laquelle l’employeur contourne ses obligations relatives à la procédure d’information-consultation du CSE et l’élaboration d’un PSE, la Cour de cassation a dégagé plusieurs solutions dont le sens est le même.

Il convient de prendre en compte toute rupture mise en œuvre en raison de difficultés économiques en tant que modalité de réduction des effectifs pour le calcul des seuils précités.

Ce, quel que soit le mode de rupture :

  • La pré-retraite ;
  • Les ruptures conventionnelles 3 , à condition qu’elles aient été homologuées par la DREETS, faute de quoi la rupture n’interviendrait pas réellement 4.

Ces deux modes de rupture ne sont qu’une illustration de la position de la Chambre sociale. Dès lors que l’employeur, en plus d’échapper aux diverses indemnités liées à un éventuel licenciement, tente d’échapper à ses obligations en terme de PSE, le juge ne doit pas le laisser faire.

En amont du contentieux et pour l’éviter autant que faire se peut, le CSE a un rôle à jouer.

 

Les préconisations des experts

Le CSE en tant qu’instance consultative, plus particulièrement dans les entreprises de plus de 50 salariés, est notamment informé et consulté sur toutes les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, ainsi que sur les modifications de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise.

Par ailleurs, l’employeur le consulte de manière récurrente à propos (article L.2312-17 Code du travail) :

  • Des orientations stratégiques de l’entreprise ;
  • De la situation économique et financière de l’entreprise ;
  • De la politique sociale de l’entreprise, des conditions de travail et de l’emploi.

A ce titre, l’on informe le CSE à propos des éventuelles difficultés économiques rencontrées par l’entreprise et des ruptures des contrats de travail intervenues et à intervenir.

Par ailleurs, il peut avoir un rôle d’assistance des salariés, notamment en matière de rupture conventionnelle (article L.1237-12).

De ce fait, le CSE détient nécessairement des informations clés en matière de logique de réduction d’effectifs. Il lui appartient alors de prêter une attention particulière aux ruptures de contrat pouvant intervenir et à leur nombre. Ainsi, l’employeur ne pourra échapper à ses obligations. Le cas échéant, nous préconisons :

  • D’abord, d’élever une réclamation auprès de l’employeur ;
  • Puis de saisir l’inspection du travail, à défaut d’initiative de sa part.

 

Fanny Jean, Juriste/Consultante experte CSE

 

  1. Chambre Sociale, Cour de cassation, 19 janvier 2022
  2. Chambre Sociale, Cour de cassation, 1er février 2011
  3. Chambre Sociale, Cour de cassation, 9 mars 2011
  4. Chambre Sociale, Cour de cassation, 29 octobre 2013