Point sur la jurisprudence de la Cour de cassation – L’autorisation de licenciement pour inaptitude physique d’un salarié ne libère pas l’employeur de sa responsabilité

Par un arrêt rendu le 29 juin 2017 (n°15-15775) bénéficiant des honneurs d’une publication au bulletin de la Cour de cassation, les hauts magistrats rappellent à l’employeur ayant obtenu l’autorisation de l’inspection du travail de procéder au licenciement d’un salarié déclaré physiquement inapte à tout poste dans l’entreprise, qu’une telle autorisation – administrative – ne lève pas la responsabilité qui est la sienne lorsqu’alors elle découle d’un manquement à son obligation de sécurité.

 

 

 

 

En l’espèce,

Un salarié d’abord engagé en qualité de médecin du travail par une association chargée d’organiser et de gérer un service interentreprises de santé au travail, puis licencié sur autorisation de l’inspection du travail à l’issue d’un arrêt maladie suivi d’un double examen médical le déclarant physiquement inapte à tous les postes dans l’entité, saisissait le conseil des prud’hommes d’une demande en réparation du préjudice subi des suites d’un harcèlement moral et du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

 

La cour d’appel saisie de l’affaire prononçait par la suite la condamnation de l’employeur au paiement de dommages et intérêt non pas pour harcèlement, mais sur le fondement du manquement de l’employeur à ladite obligation de sécurité, pour la perte d’emploi ainsi qu’au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis.

 

Les juges du fond afin d’accueillir la demande du salarié opérait ainsi une distinction nette entre d’une part, l’autorisation administrative donnée par l’inspection du travail à l’employeur afin qu’il procède au licenciement pour inaptitude physique et les causes de cette inaptitude ayant conduit à l’impossibilité pour le salarié de conserver son poste.

 

L’employeur décidait alors de se pourvoir en cassation, arguant

– d’une part, qu’une telle indemnisation n’eut été légalement possible qu’à condition que la Cour qualifie et retienne un harcèlement moral, considérant que dans le cas contraire l’autorisation de licenciement faisait obstacle à ce que les juges du fond puissent recevoir la demande en réparation du dommage résultant de l’inaptitude physique constatée ;

– d’autre part, que la démonstration par le salarié d’un lien de causalité entre le « syndrome dépressif » subi « attribué à des difficultés relationnelles au sein du travail, vécues comme une véritable persécution », tel qu’établi dans les certificats médicaux produits, et le manquement de l’employeur était insuffisante à fonder une condamnation en responsabilité civile ;

– du caractère disproportionné de la réparation octroyée au salarié, constituant une pluralité d’indemnisation pour un même préjudice ;

– enfin, de l’impossibilité d’octroyer une indemnité de préavis en présence d’un licenciement pour inaptitude autorisé par l’inspection du travail.

 

La Cour de cassation écarte les arguments pour rejeter le pourvoi et rappelle  que si il appartient à l’administration du travail de vérifier que l’inaptitude physique du salarié est réelle et justifiée, il ne lui appartenait pas de recherche la cause de cette inaptitude.

Dès lors, elle considère que la compétence exercée par l’inspecteur du travail dans son contrôle ne faisait aucunement obstacle à ce que le juge judiciaire saisi de la demande du salarié tendant à faire valoir ses droits en présence d’une inaptitude attribuée à un manquement de l’employeur, y fasse droit si il qualifie et retient, comme il l’a fait, que les éléments de fait et les preuves présentés par le salarié établissent effectivement la responsabilité de l’employeur.

Frédéric Rougon, Juriste

Sources :