Rémunération des heures supplémentaires : la Cour de cassation se positionne en faveur des représentants du personnel

Dans le cadre de son mandat le représentant du personnel peut être amené à effectuer des déplacements, y compris en dehors des heures normales de travail. Ce trajet ouvrant droit à une rémunération semble également enclencher le régime des heures supplémentaires et les majorations afférentes. C’est en tout cas ce que la Cour de cassation préconise par sa décision du 21 janvier 2021.

Quelle est le régime de rémunération des temps de trajet ?

Dans cet arrêt, un salarié représentant du personnel reproche à son employeur que ses temps de trajets, lors de l’exercice de son mandat et en dehors des heures normales de travail, ne soient pas intégralement rémunérés ni décomptés du temps de travail effectif bloquant le déclenchement des heures supplémentaires et leurs majorations.

Pour comprendre l’enjeu derrière ce litige entre employeur et salarié il faut identifier les temps de trajet rémunérés comme du temps de travail effectif :

  • Temps de trajet « domicile – lieu de travail »

Le temps habituel de trajet entre le domicile su salarié et le lieu de travail habituel ne constitue pas un temps de travail effectif et n’a donc pas à être rémunéré, sauf stipulation conventionnelle ou usage contraire.

  • Temps de trajet « domicile – lieu de mission »

Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur un lieu de travail inhabituel (chez un client, un autre établissement de l’entreprise etc.) n’est pas assimilé à du temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l’objet d’une contrepartie en repos ou financière.

  • Temps de trajet en « exécution des fonctions représentatives »

Le temps de trajet effectué par le salarié en exécution de ses fonctions représentatives doit être rémunéré comme du temps de travail effectif lorsqu’il est pris en dehors de l’horaire normal de travail et dépasse en durée le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail (et cela se comprend puisque le temps de trajet « domicile-lieu de travail » ne fait pas l’objet de rémunération).

Il s’agit là d’une première étape dans la compréhension de la rémunération des temps de trajet des représentants du personnel que la Cour de cassation confirme dans son arrêt.

La clé de ce jugement réside, dès lors, dans la prise en compte, ou non, de ces temps de trajet comme du temps de travail effectif. Décision potentiellement lourde de conséquences puisque dans le cas où la Cour de cassation considèrerait ces temps de trajet comme du temps de travail effectif ceux-ci entreraient dans le décompte des heures susceptible de déclencher le régime des heures supplémentaires et leurs majorations correspondantes.

Le temps de trajet réalisé en « exécution des fonctions représentatives » est-il du temps de travail effectif ?

Afin d’échapper à la sanction du rappel de salaire engendré par les heures supplémentaires relatives aux temps de trajet effectués dans le cadre « des fonctions représentatives », l’employeur expose que :

 

  • Même si le temps de trajet doit faire l’objet d’une rémunération similaire à du temps de travail effectif celui-ci ne constitue pas pour autant du temps de travail effectif.
  • Le déclenchement des heures supplémentaires est soumis à la condition que ces heures soient effectuées à la demande de l’employeur lorsque le salarié est à la disposition de celui-ci et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles. Estimant, par conséquent, que la représentation du personnel est étrangère à l’exécution du contrat de travail et s’oppose aux conditions de déclenchement des heures supplémentaires.

 

Néanmoins, la Cour de cassation s’oppose à l’employeur et au raisonnement de la cour d’appel, érigeant le principe selon lequel les représentants du personnel ne doivent subir aucune perte de rémunération en raison de l’exercice de leur mandat.

La Haute juridiction française confirme la rémunération des temps de trajet comme du temps de travail effectif ainsi que la déduction de ces temps dans le décompte du temps de travail effectif et le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.

Ce jugement de la Cour de cassation vise à renforcer la protection accordée à la rémunération des salariés représentants du personnel et vient clarifier une situation, jusqu’à présent, opaque en droit social notamment du fait de la position hybride et spécifique des salariés porteurs de mandat.

 

Sources :

Mehdi Bischoff, Juriste