Rejet de la motion de censure, le projet de loi Travail est adopté en première lecture

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Le 12 mai dernier, les députés adoptaient ainsi, sans vote, la dernière version du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs.

Celui-ci, prévoit ainsi que soit confié sur 2 ans, à une commission d’experts, la charge de la réécriture de la partie législative du Code du travail (entre Ordre Public, champ de la négociation collective et dispositions supplétives en l’absence d’accord).

 

  1. Il n’est ainsi plus fait référence aux 61 principes fondamentaux dégager par la commission Badinter
    Ceux-ci pourront cependant, selon le rapport de la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale, servir de source d’inspiration, constituer un éventuel préambule au nouveau Code du travail ou seront adosser à la Constitution sur le modèle de la Charte de l’environnement de 2004.
  2. En outre, les dispositions dites supplétives, sauf à des fins de simplification devraient reprendre des règles de droit positif.
  3. Enfin, le projet de loi contient le calendrier de sa mise en œuvre, la commission désignée pour refonder le Code du travail, qui devrait être composée d’un nombre égal de femmes et d’hommes, ayant 2 ans à compter de la promulgation du texte pour s’exécuter.
    Celle-ci pourra d’ailleurs recourir à toute autre institution, association ou organisation de la société civile afin d’y parvenir.

Dès lors, les principales dispositions du projet prévoient notamment :

  1. Un retour au droit actuel dans certains domaines : 
    • Alors qu’elle était supprimée par le projet de loi initial, les députés amendant le projet ont rétabli la consultation des IRP :
      • Sur les demandes d’autorisation à la DIRECCTE de dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail en cas de « circonstances exceptionnelles ». De même, l’avis des IRP devrait être transmis à l’Inspection du travail. 
      • Sur l’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel (les IRP devant en tout état de cause être informés des heures accomplies dans le cadre du contingent annuel).
      • A défaut d’accord collectif, au moins une fois par an, sur les modalités d’utilisation et de dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires.
    • Concernant les « cadres dirigeants », le projet abandonne ses dispositions relatives à une modification de la définition légale de la catégorie non soumise au droit commun sur la durée du travail, les repos et jours fériés.
      Le Gouvernement qui, reprenant à l’origine la jurisprudence de la Cour de cassation, entendait préciser qu’il s’agissait des cadres « participant à la direction de l’entreprise ». Le risque d’intégrer des fonctions dans certains secteurs n’exerçant pas effectivement un pouvoir de direction, le gouvernement a renoncé à cette précision.
    • L’extension des domaines relevant de la négociation collective d’entreprise ou d’établissement en matière de durée du travail (notamment le taux de majoration des heures supplémentaires, sans pouvoir être inférieur à 10%), de repos et de congés, avec un principe de primauté des accords d’entreprise ou d’établissement sur ces questions (et, à défaut, notamment le recours à des conventions collectives ou accords de branche) tout en prévoyant, mesure anti-dumping social, un « droit de regard » aux branches. Celles-ci verraient d’ailleurs leurs actuelles commissions paritaires d’interprétation de branche muées en « commissions permanentes de négociation et d’interprétation » chargées de :
      • dresser chaque année un bilan des accords collectifs conclus par les entreprises de leur secteur sur les 3 thèmes précités.
      • vérifier l’impact desdits accords sur les conditions de travail des salariés et sur la concurrence entre entreprises de leur branche.
      • et, le cas échéant, formuler des recommandations en vue de répondre aux difficultés alors identifiées. 
        (Notons que leur droit de veto, un temps envisagé par le Gouvernement, est ainsi écarté). 

II. Concernant le recours au forfait heure ou jours annuel, celui-ci demeurerait subordonné à la conclusion d’un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, de branche. 
Il est cependant prévu qu’un tel accord verrait son contenu étoffer par le projet de loi 

    • L’absence de stipulation en matière de droit à la déconnexion dans l’accord mettant en place des forfaits-jours, n’empêcherait plus le recours audit forfait.
      L’employeur serait tenu de définir unilatéralement ces modalités et en informer les salariés.
      (Dans les entreprises de plus de 50 salariés de telles modalités devront être conformes à la charte sur la régulation de l’utilisation des outils numériques).
      En vue de sécuriser les accords instaurant des forfaits annuels conclus avant la publication de la Loi Travail, les dispositions légales imposant de nouvelles clauses obligatoires à ces accords ne devraient pas prévaloir sur ces accords (période de référence du forfait, conditions de prise en compte des arrivées, départs ou absences en cours de période, droit à la déconnexion pour ceux prévoyant des forfaits-jours…).

      (En outre, concernant les seuls accords mettant en place des forfaits-jours, en cas d’absence de disposition déterminant les modalités d’évaluation et de suivi de la charge de travail, de communication  entre l’employeur et des salariés sur cette charge de travail et l’articulation vie professionnelle/vie personnelle ainsi que du droit à la déconnexion, les conventions individuelles existantes incluant ces points pourraient être poursuivies et de nouvelles conventions pourraient être conclues sur le fondement de cet accord de forfait-jours, sous réserve du respect des dispositions supplétives).

    • Enfin, concernant ces forfait-jours la limitation de responsabilité de l’employeur a été supprimée du projet.
      Celui-ci pourra dès lors la voir engager lorsqu’ayant fixé les échéances et une charge de travail compatibles avec le respect des repos du salarié, le salarié n’aurait pas, de sa propre initiative, bénéficié de ses repos et congés.

III. Concernant les congés payés :

    • Ceux-ci pourraient être pris dès l’embauche (sans attente de l’ouverture des droits).
    • Le projet ne contient plus en outre la disposition relative à la suppression de l’indemnité compensatrice de congés payés en cas de faute lourde, les députés ayant tirés les conséquences de la Décision n°2015-523 QPC du Conseil Constitutionnel du 2 mars 2016.
    • L’ordre des départs fixé par l’employeur, au surplus des critères prévus par l’article L.3141-14 du Code du travail, devra prendre en compte la présence au foyer d’un enfant ou  d’un adulte handicapé ou d’un personne âgée en perte d’autonomie. 
      (Cette seule circonstance permettant en outre au salarié concerné de prendre en une seule fois un congé de plus de 24 jours ouvrables).
    • Concernant les congés exceptionnels, leur durée a été portée de 2 à 5 jours en cas de décès d’un enfant.
    • Enfin, le renvoi à la négociation collective pour la fixation de la durée d’ancienneté ouvrant droit au congés de proche aidant s’est vu retirée du projet au bénéfice d’une ancienneté d’ordre public d’au moins 2 mois.

IV. Concernant les dimanches du maires, si leur liste continue d’être arrêtée avant le 31 décembre pour l’année suivante, celle-ci pourra faire l’objet de modification en cours d’année, et ce, au moins 2 fois avant le premier dimanche concerné par la modification. 

 Frédéric Rougon, Juriste

Sources :

Projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs (au 13 mai 2016)

Rapport au Premier Ministre, Comité chargé de définir les principes essentiels du Droit du travail