L’impossibilité de renoncer par avance aux règles du licenciement

« Selon l’article L. 1231-4 du Code du travail, l’employeur et le salarié ne peuvent renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles du licenciement ». Voilà ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt de la Chambre sociale en date du 7 décembre 2022. L’employeur ne peut donc se prévaloir de déclarations antérieures à la notification du licenciement pour se prétendre libéré de ses obligations. Tel est notamment le cas en matière d’indemnité compensatrice de préavis et d’obligation de reclassement.

 

Absence d’effet de la renonciation au préavis de licenciement antérieur à la notification du licenciement

Selon l’article L.1234-1 du Code du travail, sauf en cas de licenciement pour faute grave, le salarié licencié a droit à une période de préavis avant de quitter l’entreprise. Ce préavis débute à la date de présentation de la lettre notifiant le licenciement.

Pour autant, dans certains cas, le préavis n’est pas exécuté :

  • Dès lors qu’il s’agit d’un licenciement pour faute grave ;
  • Dès lors que l’employeur dispense le salarié de l’exécuter, soit par décision unilatérale ou pour une raison lui étant imputable, soit en réponse à la demande du salarié.

L’absence d’exécution du préavis imputable à l’employeur ou du fait d’une décision unilatérale de sa part donne lieu au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis. Celle-ci n’est pas due, en revanche, si la dispense répond à une demande du salarié.

Dans l’affaire étudiée, la salariée a demandé à ne pas exécuter son préavis et l’employeur accepte. Pour autant, elle estime avoir droit à l’indemnité compensatrice de préavis.

La Cour d’appel, suivie par la Cour de cassation, font droit à sa demande.

La subtilité tient à la période de demande de dispense du préavis. En effet, les parties ne peuvent pas décider, avant la notification du licenciement, d’évincer les règles du licenciement. Ainsi la renonciation à l’exécution du préavis antérieure à la notification du licenciement ne produit aucun effet. L’on considère alors la dispense comme issue d’une décision unilatérale de l’employeur.

Ce dernier est donc redevable d’une indemnité compensatrice de préavis.

 

Dérogation impossible à l’obligation d’adaptation et de reclassement de l’employeur

Avant tout licenciement économique, l’employeur se voit soumis à l’obligation d’adaptation et de reclassement (article L.1233-4 du Code du travail).

Substantiellement, il s’agit en premier lieu de rechercher les postes disponibles, dans l’entreprise ou dans le groupe auquel elle appartient. Ensuite, il doit les proposer, le cas échéant, aux salariés dont le licenciement est envisagé. Ces postes doivent relever de la même catégorie ou, à défaut, d’une catégorie inférieure.

Cette obligation doit être exécutée dès que le licenciement est envisagé, avant toute notification du licenciement (Chambre sociale, 4 mai 2017, 16-14.779). L’employeur doit :

  • Justifier de ses recherches ;
  • Le cas échéant, formuler des propositions concrètes aux salariés concernés ou justifier de l’impossibilité de reclassement.

La présente affaire était particulière à plusieurs égards.

D’une part, l’employeur avait informé la salariée de son intention de supprimer son poste et de l’impossibilité de reclassement en amont de la notification du licenciement.

D’autre part, la salariée avait informé l’employeur de ce qu’elle avait trouvé un emploi par ailleurs. Ainsi avait-elle exprimé son souhait de ne pas bénéficier du plan d’aide au retour à l’emploi. Ensuite, elle avait demandé l’enclenchement du licenciement.

L’employeur se prétendait alors déchargé de son obligation de reclassement, invoquant l’expression de la volonté de la salariée.

La Cour de cassation et la Cour d’appel estiment que l’employeur est toujours débiteur de son obligation d’adaptation et de reclassement. Ce dernier aurait dû justifier de ses recherches, et formaliser l’impossibilité de reclassement de manière concrète.

 

Une décision sévère à l’égard de l’employeur, favorable aux salariés

La Cour de cassation applique avec rigueur le droit du travail et rend une décision sévère à l’égard des employeurs.

Toute renonciation par le salarié à quelque droit issu des règles du licenciement n’est valable qu’a posteriori de la notification du licenciement. La solution s’en serait donc trouvée modifiée seulement si l’employeur avait demandé la réitération de la demande de dispense en aval de la notification du licenciement, seulement projeté au moment de ladite demande.

Par ailleurs, l’employeur aurait dû justifier de l’impossibilité du reclassement par écrit adressé individuellement à la salariée en question. Ce, peu importe qu’elle lui ait déjà signifié qu’elle n’avait pas l’intention d’en tirer le bénéfice.

 

Fanny Jean, Juriste/Consultante experte CSE