Reconnaissance d’UES, l’accord collectif remplacé par l’accord unanime

A l’origine, l’Unité Economique et Sociale (UES), création jurisprudentielle, avait pour objectif de révéler l’existence d’une collectivité de travail unique, au-delà de la diversité des personnes morales employeurs d’une même entreprise, la finalité étant de permettre la mise en place d’institutions représentatives du personnel (IRP).

 Elle pouvait dès lors être reconnue,

  • soit par le juge des élections,
  • soit par accord entre les employeurs concernés et les syndicats dans le cadre d’un protocole préélectoral. 

Consécutivement le législateur a attaché d’autres conséquences à la notion d’UES considérant que sa reconnaissance produit des effets,

De même la jurisprudence en a élargi la portée,

La notion s’est alors progressivement écartée du contentieux électoral, sa reconnaissance pouvant être dès aujourd’hui sollicitée en justice indépendamment de toute demande de mise en place d’une institution représentative (Cass. soc., 2 juin-2004 n° 03-60.135, publié).

Dans un arrêt du 14 novembre 2013, n° 13-12.712 (publié et corrigé pour coquille), les hauts magistrats considèrent que sa reconnaissance conventionnelle ne relevait plus du protocole d’accord préélectoral, mais de l’accord collectif signé aux conditions de droit commun.

Par un arrêt du 11 juillet 2016 (n° 14-50.036), les magistrats de la Cour de cassation, interrogés sur la régularité de l’arrêt d’appel faisant droit à la demande de salariés tendant à ce que soit reconnue une Unité Economique et Sociale entre plusieurs sociétés afin de mettre en place une réserve spéciale de participation depuis 1997,  confirment ainsi cette jurisprudence antérieure.

Quand bien même les conventions intervenues admettaient clairement l’existence d’une telle UES, les protocoles électoraux et les plans d’intéressement la visant directement et aucun recours n’ayant jamais été formés à l’encontre ni des accords ni des décisions du Comité, l’existence de l’UES devait, pour la Cour, être reconnue,

  • pour la période antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n°2008-789 du 20 août 2008,
    • par un accord collectif ;
    • ou un protocole préélectoral unanime conclu avec tous les syndicats représentatifs au sein des différentes sociétés concernées ;
  • pour la période postérieure à l’entrée en vigueur de ladite loi,
    • par un accord conclu dans les conditions de droit commun par les syndicats représentatifs au sein de ces sociétés.

Notons que si la loi du 20 août 2008 modifie effectivement le régime du protocole préélectoral, cette modification n’a pas conduit à appliquer à celui-ci le régime de droit commun des accords collectifs.

L’arrêt ici commenté est donc une confirmation de la position adoptée par la Cour par l’arrêt du 14 novembre 2013 auquel celle-ci ajoute une clé de lecture temporelle, un principe d’application simple à destination des parties prenantes.

Des incertitudes demeurent,

  • Quant à la reconnaissance conventionnelle de l’UES, l’arrêt de 2013 confirmait la reconnaissance par le protocole préélectoral, considérant que, signé à la double majorité des organisations syndicales représentatives (au sens de l’article L.21324-4-1), celui-ci avait forcément été signé par les organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 30% des suffrages exprimés lors des dernières élections.

    Ce, alors que seules les organisations représentatives participent à la négociation de droit commun contrairement à la négociation de l’accord préélectoral où toutes sont invitées à négocier.

  • Quant à la reconnaissance judiciaire de l’UES, un avis de la Cour (Cass. avis du 19 mars 2007 n° 06-00.020) donne compétence au tribunal d’instance même en l’absence de contentieux électoral, dès lors qu’elle imposait la mise en place d’IRP.

    Cependant, une telle reconnaissance ne débouche pas nécessairement sur des élections mais peut viser directement, on le voit ici, la mise en place d’un mécanisme d’intéressement commun aux sociétés composant l’UES, ne relevant en aucun cas de la compétence du tribunal d’Instance. D’autant que les jugement rendus en matière d’UES sont susceptibles d’appel (Cass. soc., 31janvier 2012, n° 11-20.232, publié).

 

 Frédéric ROUGON, Juriste

Sources :
– Cour de cassation, chambre sociale, 11 juillet 2016, n°14-50.036