Rapport annuel de la Cour de cassation, les magistrats suggèrent des réformes au législateur en matière sociale

sunrise over the earth Publié le 8 juillet 2016, le rapport annuel de la haute Cour propose un certain nombre d’axes d’évolution du droit du travail et de la sécurité sociale au corps législatif dont notamment,

  1. I. Concernant le congé de mobilité et le rôle du motif économique

    En application de l’article L.1233-80 du Code du travail, « l’acceptation par le salarié de la proposition de congé de mobilité emporte rupture du contrat de travail d’un commun accord des partie à l’issue du congé ».

    Insérées au Code du travail au sein du chapitre relatif au licenciement pour motif économique, sous la section intitulée « Accompagnement social et territorial des procédures licenciement », ces dispositions ont conduit les juges de la Cour de cassation à affirmer que la rupture est alors subordonnée à la détermination par l’employeur d’un motif économique de licenciement que le salarié est en droit de contester (Cass. soc. 12 novembre 2015 n° 14-15430).

    Les magistrats proposent ainsi, afin de les faire échapper à l’obligation de définir un motif économique, le consentement du salarié étant central, de déplacer ces dispositions, qui s’apparentent à une mobilité externe du salarié, au sein du chapitre II du titre IV du livre II du Code du travail.

    D’autre part, l’article L.1233-77 du Code du travail, ouvre la possibilité de mettre en œuvre un tel congé de mobilité aux employeurs relevant du champ du congé de reclassement, c’est-à-dire :

    • Aux établissements, entreprises ou groupes d’au moins 1 000 salariés,
    • Et aux entreprises de dimension communautaire.

      En vue « d’encourager la gestion anticipée de l’emploi au sein des entreprise et de sécuriser les transitions professionnelles tout en apportant des garanties aux salariés concernés », la Cour propose que soit élargie le champ d’application du congé de mobilité à l’ensemble des employeurs soumis à un plan de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (plan GPEC), c’est-à-dire :

    • Aux entreprises et groupes d’entreprises d’au moins 300 salariés.


    II. Concernant la durée minimale de travail du salarié à temps partiel

    L’article L.3123-14-1 du Code du travail prévoit que cette durée minimale à temps partiel est de 24 heures par semaine.
    Cette disposition n’est cependant pas applicable à certaines catégories de salariés ou lorsque le contrat de travail est d’une durée au maximum égale à 7 jours.

    Une durée de travail inférieure peut être fixée lorsqu’une convention ou un accord de branche étendu le prévoit ou lorsque le salarié en fait la demande dans les conditions prévues à l’article L.3123-14-2 du Code précité.

    Aucune sanction n’étant prévue lorsque le contrat de travail fixe une durée minimale de travail inférieure au seuil légal ou conventionnel, les magistrats préconisent qu’une modification législative intervienne à cet effet, afin de se conformer au principe de sécurité juridique.

    III. Concernant l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle

    En application de l’article L.1237-13 du Code du travail, le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut être inférieur à celui de l’indemnité légale de licenciement. 
    Selon l’avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail, le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne doit pas être inférieur au montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement, si celle-ci est plus favorable que l’indemnité légale.

    (Cet avenant, étendu par arrêté du 26 novembre 2009, régit tous les employeurs et tous les salariés compris dans le champ d’application de cet accord national interprofessionnel. Toutefois, il ne s’applique pas aux entreprises qui ne sont pas membres d’une des organisations signataires de cet accord et dont l’activité ne relève pas du champ d’application d’une convention collective de branche signée par une fédération patronale adhérente du Medef, de l’UPA ou de la CGPME. N’y sont ainsi pas soumis les particuliers employeurs, les employeurs des professions agricoles et des professions libérales, du secteur de l’économie sociale et du secteur sanitaire et social ainsi que les entreprises relevant du secteur de la presse.)


    Ainsi dans l’hypothèse où l’employeur n’entre pas dans le champ d’application de cet accord interprofessionnel, le montant minimal de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle à laquelle peut prétendre le salarié est celui de l’indemnité légale de licenciement (Cass. soc. 3 juin 2015 n° 13-26.799).   

    Consécutivement, le montant minimal de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle est, dans ce cas, inférieur à celui de l’indemnité statutaire ou conventionnelle de licenciement à laquelle le salarié aurait eu droit s’il avait été licencié.

    Si cette solution se justifie par l’autonomie de la rupture conventionnelle, mode de rupture du contrat de travail distinct du licenciement,  il n’est pas certain qu’elle soit conforme aux intentions des partenaires sociaux. La Cour  propose ainsi que soit envisagée une réécriture de l’article L.1237-13 afin de prévoir que l’indemnité spécifique de rupture ne peut pas être inférieure à l’indemnité de licenciement prévue par un accord collectif ou des dispositions légales plus favorables.

    L’objectif annoncé, renforcer les droits des salariés parties à une convention de rupture en évitant de laisser perdurer une différence de régime entre les salariés selon que leur employeur est ou non lié par l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008.

    IV. Concernant la rémunération du temps de trajet des salariés itinérants

    La Cour de justice de l’Union européenne dans une décision rendue le 10 septembre 2015 (Aff. n°266/14) a jugé que « l’article 2, point 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, [devait] être interprété en ce sens que [lorsque] les travailleurs n’ont pas de lieu de travail fixe ou habituel, constitue du “temps de travail”, au sens de cette disposition, le temps de déplacement que ces travailleurs consacrent aux déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier clients désignés par leur employeur ».

    Selon l’article L.3121-4 du Code du travail, le temps de déplacement professionnel vers le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif et n’ouvre ainsi pas droit à une contrepartie sous forme de repos ou de compensation financière hors l’hypothèse où il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et ledit lieu habituel de travail.

    Cependant, la rédaction actuelle de cette disposition fait obstacle à une interprétation de ce texte en conformité avec le droit de l’Union européenne (voir Cass. soc. 14 novembre 2012, n° 11-18571 ; Cass. soc. 24 septembre 2014, n° 12-29209).

    En vue d’éviter une action en manquement contre la France et des actions en responsabilité contre l’État du fait d’un défaut de mise en œuvre de la directive du 4 novembre 2003, les magistrats proposent que soit modifié ce texte de droit interne.

    Frédéric ROUGON, Juriste

    Sources :

     

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