PSE, quelle est l’étendue du contrôle du juge en cas de recours ?

Par un arrêt du 15 mars 2017 (n° 387728), le Conseil d’Etat, saisi en annulation d’une décision d’une DIRECCTE homologuant un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), en profite pour préciser l’étendue et les règles du contrôle exercé par le juge administratif dans ce contexte, fournissant quasiment une notice aux juges du fond saisis d’une telle question.

 

 

 

 

Ainsi, si les motifs tendant à justifier l’annulation d’un PSE sont multiples,

  • Irrégularités de la procédure d’information/consultation des instances représentatives du personnel (IRP : comité d’entreprise, délégués du personnel,…) ;
  • Non-conformité de l’accord majoritaire ou du document unilatéral réalisé par l’employeur aux dispositions légales ou aux stipulations conventionnelles ;
  • Absence ou insuffisance du plan ;

la plus haute juridiction de l’ordre administratif décide, concernant l’absence ou l’insuffisance du PSE, dès lors qu’il fait partie des motifs invoqués, que le juge saisi doit toujours se prononcer sur ce dernier moyen, peu important que d’autres motifs justifient également l’annulation de la décision prise par la DIRECCTE.

Ce principe est limité par le Conseil d’Etat aux seuls cas dans lesquels l’entreprise n’est ni en redressement judiciaire, ni en liquidation judiciaire.

 

La raison sous-jacente à cette position des hauts magistrats?

Les conséquences de l’annulation de la décision pour absence ou insuffisance du PSE sont plus favorables aux salariés et plus lourdes pour l’employeur.

  • En effet, concernant les salariés ayant au minimum 2 ans d’ancienneté, le juge dispose de la faculté de prononcer la poursuite du contrat de travail  comme la nullité du licenciement et alors ordonner la réintégration de l’intéressé, à sa demande, lorsqu’elle est possible ou, dans le cas contraire, lui octroyer une indemnité spécifique à la charge de l’employeur et ne pouvant être inférieure aux salaires perçus sur les 12 derniers mois.

Là où les effets d’une annulation prononcée pour un autre motif sont de moindre effet.

  • Le salarié qui le demande ne pouvant être réintégré dans l’entreprise que dès lors que l’employeur y consent. Dans le cas contraire, ce salarié, sera en droit de se voir attribuer une indemnité dont le montant ne peut être inférieur aux 6 derniers mois de salaire.

 

Au-delà, le Conseil d’Etat précise sa propre compétence.

  • Ainsi, lorsqu’il est saisi d’un pourvoi formé à l’encontre d’une décision des juges du fond prononçant l’annulation d’une décision d’homologation ou de validation pour insuffisance de ce PSE, il doit en premier lieu statuer sur le bienfondé de ce motif et, dès lors qu’il en retiendrait la censure, doit annuler la décision attaquée même en présence d’autres motifs la justifiant.

 

Notons que la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite « Loi Macron ») ne s’appliquant pas aux faits de l’arrêt ici commenté, bien antérieurs à son entrée en vigueur, dispose qu’un PSE peut également être annulé pour insuffisance de motivation.

Dans ce cas, le législateur prévoit des conséquences spécifiques (art. L.1235-16, al. 3 et 4 du Code du travail) en imposant à la DIRECCTE qu’elle prenne une nouvelle décision suffisamment motivé dans les 15 jours suivant l’annulation.

Dès lors, l’annulation de la première décision homologuant ou validant le PSE est sans incidence sur la validité des licenciements, ne donne lieu à aucune réintégration, ni à aucun versement d’indemnité à la charge de l’employeur.

 

En revanche, lorsque l’entreprise concernée est en redressement ou en liquidation judiciaire, les règles encadrant le contrôle des juges varient.

Le Conseil d’Etat décide dans ces cas que le juge administratif n’a pas obligation de se prononcer en priorité sur l’absence ou l’insuffisance du PSE alors élevé devant lui lorsque la requête vise un autre motif de nature à justifier l’annulation de la décision d’homologation ou de validation du PSE.

Les conséquences légales d’une telles annulation en expliquent également la solution.

L’ouverture d’une procédure collective de redressement ou de liquidation judiciaire annule les différences d’effets de l’annulation en fonction du motif retenu par le juge.

  • Ainsi dans tous les cas les salariés licenciés ne pourront bénéficier que de l’indemnité prévue dont le montant s’élève au minimum à 6 mois de salaire.

 

Dans cette hypothèse, le contrôle exercé par la haute juridiction est également limité.

  • Cette dernière doit rejeter tout pourvoi formé contre une décision des juges du fond annulant l’homologation ou la validation du PSE lorsqu’au moins un des motifs invoqués justifie cette annulation. Cependant, le Conseil d’Etat devra néanmoins examiner chacun des motifs invoqués et censurer ceux qu’il considère erroné afin veiller à la justesse de la décision juridictionnelle qu’il contrôle.

 

En somme, si l’un des motifs invoqués justifie à lui seul l’annulation du PSE, quel que soit le stade procédural atteint, le magistrat alors saisi devra le retenir et en tirer toutes les conséquences.

 

Frédéric Rougon, juriste