PSE, le CHSCT comme le CE peut former une demande d’injonction en cours de procédure

young woman lawyer at work Par un arrêt rendu le 29 juin 2016 (n° 386581), le Conseil d’état  comble les lacunes du Code du travail et aligne la faculté du CHSCT sur celle du Comité d’Entreprise en reconnaissant, lorsque sa consultation est obligatoire, qu’il peut adresser une demande d’injonction au DIRECCTE en vue d’obtenir des éléments d’information supplémentaires.

Cette procédure, instituée par la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 permet en effet de soumettre au DIRECCTE, autorité administrative de validation de l’accord PSE ou d’homologation du document unilatéral émanant de l’employeur, une demande visant à ce qu’il enjoigne à ce dernier,

  • soit de transmettre des informations manquantes à la pleine information du Comité,
  • soit de se conformer à une règle de procédure qu’elle émane d’un texte législatif, d’une convention collective ou d’un accord collectif (art. L.1233-57-5 du Code du travail).

L’article D.1233-12 du Code du travail précise qu’une telle demande d’injonction peut être formulée « le comité d’entreprise, ou, à défaut, les délégués du personnel, ou, en cas de négociation d’un accord mentionné à l’article L. 1233-24-1 par les organisations syndicales représentatives de l’entreprise (…) » sans aucune référence au CHSCT intervenant néanmoins dès lors que le projet de compression des effectifs engendre des conséquences sur les conditions de travail, de santé et de sécurité des salariés.

La circulaire DGFEP/DGT du 19 juillet 2013 n’offre pas plus de clarté à la situation du CHSCT hors le cas d’« injonction relative à l’expertise du CHSCT » (fiche 2, §2.2.2.) par laquelle l’instance représentative du personnel, lorsqu’elle recourt à un expert, cherche à contraindre l’employeur réticent à procéder à la transmission des documents et informations nécessaire à l’intervention de cet expert.

L’extension du bénéfice d’une telle demande d’injonction au CHSCT est cependant encadrée par le Conseil d’Etat qui précise que :

  • L’autorité administrative (DIRECCTE) doit se prononcer dans un délai de 5 jours sur la demande d’injonction ;
  • Si elle prononce une injonction sur le fondement de l’article L.1233-57-5 précité, elle doit en informer le CHSCT l’ayant saisie mais également le CE, et en cas de PSE négocié, les organisations syndicales représentatives.

Notons, comme le précise la juridiction, que l’absence d’exercice par le CHSCT de cette prérogative, avant que ne statue l’autorité sur le projet de PSE, ne purge aucunement la procédure de ses vices ni n’interdit à une partie (notamment les IRP) de se prévaloir de l’insuffisance de l’info-consultation du CHSCT à l’appui d’un éventuel recours en annulation de la décision du DIRECCTE (confirmant ainsi la position de la Cour Administrative d’Appel de Versailles dans son arrêt du 22 octobre 2014 n°14VE02351).

Dès lors, si le DIRECCTE peut tenir compte du comportement passif des IRP dans la procédure,

« une telle circonstance (rappelle l’arrêt du 29 juin 2016) ne saurait néanmoins dispenser l’administration de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, que le CHSCT a effectivement disposé des informations utiles pour se prononcer sur l’opération projetée en toute connaissance de cause ».

En l’espèce, le juge valide à ce titre l’annulation de la décision du DIRECCTE, alors même qu’aucune demande d’injonction ni contestation relative à l’expertise n’avait été élevée, ni l’expert ni le CHSCT n’ayant pu obtenir de l’employeur qu’il leur transmette les documents relatifs à la future organisation de l’établissement alors que l’intervention de cet IRP était effectivement obligatoire (l’établissement devant se séparer de 20% de ses effectifs et voir l’organisation de ses activités fortement modifiée).

Enfin, rappelons que le CHSCT n’a pas qualité pour agir comme a déjà pu le rappeler le Conseil d’Etat  dans un arrêt du 21 octobre 2015 (n° 386123).

L’insuffisance de l’info-consultation du CHSCT doit donc être soulevée par une autre instance dotée de la qualité pour agir.

Ainsi, dès lors que cette insuffisance aura « fait obstacle à ce que ce comité exprime son avis en toute connaissance de cause » (CE, 7 décembre 2015 n° 383856), le juge devra prononcer l’annulation de la décision du DIRECCTE, et ce, « sans avoir à rechercher l’influence exercée par cette irrégularité sur la décision en litige, ni examiner si elle aurait privé les salariés d’une garantie » comme le précise encore la haute juridiction dans son arrêt décidemment particulièrement complet du 29 juin 2016.

Frédéric ROUGON, Juriste

Sources :

Conseil d’État, 4ème et 5ème chambres réunies, 29 juin 2016, 386581