Deux projets de loi adoptés définitivement par le Sénat

Au cœur de l’actualité ces derniers temps : les débats parlementaires à propos de projets de loi. En effet, dernièrement, le Sénat a définitivement adopté :

Ainsi avons-nous pu relever quelques mesures ayant attiré notre attention, en tant qu’experts en relations sociales…

Un dispositif d’intéressement par décision unilatérale de l’employeur

Jusqu’à présent, il s’agissait d’un dispositif d’épargne salariale lié à la performance ou aux résultats d’une entreprise. Il convenait de conclure un accord collectif afin de le mettre en place. Il pouvait être négocié au niveau de la branche ou de l’entreprise.

L’article 3 du premier projet de loi autorise l’employeur à mettre en place un tel dispositif par le biais d’un engagement unilatéral. Les articles L.3312-2 et suivants du Code du travail s’en trouvent modifiés.

En effet, dès lors que « l’entreprise n’est pas couverte par un accord de branche agréé », il sera possible de mettre en place un régime d’intéressement par décision unilatérale de l’employeur. Il s’agit d’un document écrit par le biais duquel l’employeur s’engage envers ses salariés.  Celui-ci sera valable pour une durée pouvant aller de 1 à 5 ans.

Seules les entreprises de moins de 50 salariés disposent de cette possibilité.

A ce sujet, le Sénat a entendu, en plus de ces éléments :

  • Réduire le délai d’agrément d’un accord de branche par la DREETS de 6 à 4 mois ;
  • Considérer le congé paternité, au même titre que le congé maternité, comme une période de présence dans l’entreprise pour l’application du régime d’intéressement.

L’idée est a priori de favoriser les salariés des entreprises au sein desquelles le dialogue social n’est pas ou peu développé. Un dispositif pouvant alors s’avérer attractif… A moins d’intervenir au terme de négociations n’ayant pas abouti du fait de trop grand désaccords entre les parties…

 

Une possibilité de réembauche offerte aux centrales à charbon ayant mis en place un PSE

Contexte géopolitique oblige, le projet de loi contient des mesures d’urgence visant à assurer la sécurité d’approvisionnement en énergie dès l’automne 2022, à l’article 15 du premier projet de loi.

Parmi elles, la possibilité jusqu’au 31 décembre 2023, pour les centrales à charbon exécutantes d’un plan de sauvegarde de l’emploi impliquant des licenciements économiques, de réembaucher des salariés en congés de reclassement pour une durée déterminée. L’on offre cette possibilité aux entreprises en cas de reprise temporaire d’activité. Le législateur l’a formalisé dans l’article 21 bis de l’ordonnance n° 2020‑921 du 29 juillet 2020 portant diverses mesures d’accompagnement des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon.

Ces réembauches se traduiront par la conclusion de CDD ou de contrats de mission pour un nouveau motif : la « nécessité pour l’exploitation de ces installations ». Leur durée pouvant aller jusqu’à 36 mois dans certains cas, le délai de carence ne leur est pas applicable.

Le congé de reclassement en cours se trouve suspendu pendant l’exécution du contrat.

Certains éléments nous paraissent manquants dans le dispositif… Quid de l’application de potentiels critères d’ordre pour la détermination des salariés visés par la réembauche ?

 

Un rehaussement du plafond de défiscalisation des heures supplémentaires

Actuellement, les heures supplémentaires réalisées en 2021 faisaient l’objet d’un régime d’imposition et de cotisation favorable :

  • Exonération d’impôt sur le revenu jusqu’à 5 000€ ;
  • Réduction des cotisations sociales salariales d’assurance vieillesse et complémentaire dans la limite de 11,31% du salaire ;
  • Déduction forfaitaire de cotisations patronales pour les employeurs de moins de 20 salariés.

Les Sénateurs ont adopté les dispositions augmentant le plafond de défiscalisation des heures supplémentaires à 7500€. C’est l’article 1er D du projet qui en dispose.

Un recours encore plus attractif donc, aux heures supplémentaires. D’aucuns considèrent en revanche qu’il s’agit d’une politique du « travailler plus pour gagner plus » et que certains des droits des salariés s’en trouvent mis au second plan. Ne pas augmenter les salaires : réduire l’imposition. Parmi les éléments causant la controverse : le droit au repos, la durée légale du travail… Ne serions-nous pas en train d’assister à une remise en cause progressive des 35 heures ?

 

La possibilité de racheter ses jours de RTT en l’absence de dispositif mis en place dans l’entreprise

Enfin, l’article 1er E du projet de loi ne ménage pas non plus le droit au repos. Il prévoit la possibilité de « renoncer à tout ou partie des journées ou demi-journées de repos acquises » du fait du dispositif de RTT en place dans l’entreprise, à compter du 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2025. Ne sont concernées que les entreprises où aucun dispositif d’épargne-temps n’est mis en place.

Ces périodes, alors travaillées, ouvrent droit à une rémunération suivant le régime des heures supplémentaires. Le montant de rémunération alloué au titre de ces heures de travail participe de l’appréciation du plafond des heures supplémentaires.

Certes, le salarié jouit d’une liberté quant à ce rachat de RTT… Mais il intervient dans un contexte où le pouvoir d’achat des Français est amoindri.

Il conviendra alors de veiller au respect des droits fondamentaux des salariés. Droit au repos, à la déconnexion, durée légale du travail et santé et sécurité au travail devront toujours être protégés.  

 

Fanny Jean, Juriste/Consultante experte CSE