Preuve d’une faute d’un salarié établie par filature, mauvaise idée
Les hauts magistrats de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 17 mars 2016 décidaient de suivre leurs pairs.
Un employeur lorsqu’il exerce son pouvoir de contrôle de ses salariés doit le faire sans porter atteinte à leur vie privée.
Soupçonnant un salarié d’avoir violé la clause de son contrat de travail l’interdisant d’exercer au profit d’une entreprise concurrente une activité parallèle susceptible de constituer un cas de concurrence déloyale, un employeur avait fait procéder à la filature du salarié par un détective privé, dont le rapport, servant de fondement à la requête en désignation d’un huissier avait permis d’obtenir une ordonnance du Président du TGI l’autorisant à procéder à toute constatation au domicile du salarié et d’y saisir les documents y compris informatiques de nature à établir l’activité concurrentielle déloyale.
Alors licencié pour faute, le salarié est d’abord débouté de sa demande de rétractation de l’ordonnance, avant que son appel ne suive le même sort.
La 2ème chambre civile censure alors cette position, considérant le mode de preuve comme illicite au regard, d’une part, de l’article 8 de la CESDH et, d’autre part, de l’article 9 du Code civil.
Celle-ci s’aligne en réalité sur la jurisprudence de la chambre sociale qui, il faut le rappeler, considère la filature comme portant nécessairement atteinte à la vie privée du salarié visé (Cass.soc., 26 novembre 2002, n°00-42.401) rendant consécutivement irrecevable tout rapport de filature qui doit dès lors être écarté des débats devant le juge prud’homal (Cass. Soc., 3 décembre 2008, n°07-43.301).
Cependant attention, filer n’est pas surveiller.
Ne viole pas nécessairement la loi l’employeur ou le service de contrôle interne de l’entreprise procédant à une surveillance visuelle.
Les preuves des manquements professionnels d’un salarié, notamment contrôleur de bus, peuvent valablement se fonder sur le rapport d’enquête (« rapports « suivi contrôleurs’’ ») établi par des cadres de l’entreprise missionnés spécifiquement par l’employeur pour observer les conditions de travail desdits salariés sur leurs heures et lieu de travail.
Ce, peu importe que ces derniers aient été ou non préalablement informés (Cass. soc. 5-11-2014 n° 13-18.427).
Frédéric ROUGON, Juriste
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