Précisions de la Cour de cassation sur le périmètre de désignation du délégué syndical

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I. Un accord antérieur à la loi du 5 mars 2014 ne peut empêcher la désignation d’un Délégué Syndical dans le cadre légal

Avant la loi n°2014-288 du 5 mars 2014 :

Modifié par la loi du 5 mars 2014, l’article L.2143-3 du Code du travail dispose désormais que :

  • La désignation d’un DS peut intervenir au sein d’un établissement regroupant des salariés placés sous la direction d’un représentant de l’employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques.

Problème, la réécriture de l’article perturbe la lecture de la loi n°2008-789 du 20 août 2008.

Celle-ci, en renforçant le principe de concordance entre le cadre d’appréciation de la représentativité et le champ d’intervention du syndicat, incite à aligner le périmètre d’implantation du DS sur celui des Comités d’établissement.
Conséquence, le périmètre de désignation se rapprocherait du lieu du pouvoir patronal dans la perspective d’un renforcement de la négociation collective d’entreprise ou d’établissement comme sous-jacente à la très actuelle loi travail.

 

Un arrêt par les hauts magistrats et publié au bulletin de la Cour le 31 mai 2016 (n°15-21.175) règle la question de l’articulation de la loi du 5 mars 2014 avec des accords antérieurs à son entrée en vigueur :

– Les périmètres légaux de mise en place des syndicats, mais également du personnel, sont des normes d’ordre public.

⇒ Si celles-ci peuvent être assouplies par voie d’accord collectif autorisant l’implantation des IRP dans des espaces plus restreints que ceux qu’elles prévoient ou à des conditions d’effectifs moindres, elles ne peuvent pas être évincées par ces accords collectifs.

II. La seule présence de délégués du personnel ne permet pas de désigner des délégués syndicaux dans le même périmètre

Un second arrêt rendu et publié au bulletin de la Cour le 24 mai 2016 (n° 15-20.168) porte quant à lui sur la notion d’établissement distinct au sens des dispositions de la loi du 5 mars 2014 relatives aux DS :

  • Rappelons-le, la jurisprudence antérieure, ayant en partie forgé la loi du 5 mars 2014, découlait de l’ordonnance n° 2005-1478 du 1er décembre 2005 donnant compétence à l’administration pour se prononcer sur le caractère distinct, ou non, d’un établissement à défaut d’accord entre le chef dudit établissement et les organisations syndicales concernées.   
    Les juges retenaient alors pour la désignation des DS un espace d’implantation proche de celui retenu pour les Délégués du Personnel (DP) de sorte qu’un établissement reconnu distinct pour l’élection des DP et dont l’effectif atteignait au moins 50 salariés permettait souvent, dans les faits, la désignation de DS.

    Mais il s’agissait là plus d’une coïncidence de fait que d’une identité des notions juridiques d’établissement distinct.

  • Pour autant, la jurisprudence, alors confirmée et clarifiée par l’arrêt du 24 mai 2016 étudié ici,  précisait déjà à ce titre que la reconnaissance d’un établissement distinct pour l’élection des uns n’impliquait pas l’existence d’un tel établissement distinct pour la désignation des autres, les critères étant distincts.

    En effet,

    ⇒ Les premiers ayant pour mission de transmettre les réclamations du personnel (demandes tendant à l’application du Droit),
    ⇒ Lorsque les seconds participent à la négociation collective en vue de faire aboutir des revendications (demandes tendant à une modification du Droit).

  • De plus, si le critère géographique doit être pris en compte pour caractériser l’établissement distinct pour les deux institutions, son rôle est plus important pour les DP que pour les DS (notamment Cass. soc. 6 juillet 2005 n° 04-60.433).

Frédéric ROUGON, Juriste

Sources :