Du pouvoir d’investigation de l’expert pour l’examen des orientations stratégiques du groupe
L’expert du comité d’entreprise peut-il exiger les informations relatives aux orientations stratégiques du groupe ? Peut-il se voir refuser ces renseignements au motif qu’elle dépasse le périmètre d’investigation pour lequel il a été mandaté et en l’absence d’accord de groupe qui a été conclu en ce sens, comme le prévoit la loi ?
À ces deux questions la Cour d’appel de Paris a répondu, le 15 juillet 2016 par l’affirmative à la première et la négative à la seconde.
Il importe de rappeler que la loi du 14 juin 2013, instituant notamment la consultation sur les orientations stratégiques, est largement inspirée de la directive du 11 mars 2002 qui établit le cadre général relatif à l’information et à la consultation des travailleurs dans la communauté européenne.
L’idée est de permettre aux actifs d’être impliqués dans la marche générale de l’entreprise, le but étant de renforcer le dialogue social comme éléments d’anticipation des changements.
Deux principes se dégagent : Il faut connaître (donc obtenir les informations) mais surtout avoir les moyens de comprendre, « pas toujours plus mais mieux ». Le rôle de l’expert se cristallise ici.
Cette position adoptée par la Cour d’appel de Paris n’est pas nouvelle puisque la Cour d’appel de Lyon avait adopté un raisonnement similaire en mars de la même année que nous avions commenté.
Précisons que pour prétendre à la communication des informations détenues au niveau du groupe, encore faut-il que ces dernières soit nécessaires à l’exécution de la mission de l’expert.
Autrement dit, lorsque la compréhension de la stratégie du groupe, qui impacte l’entreprise est subordonnée à l’obtention desdites informations, alors l’expert dispose d’un pouvoir d’investigation étendu.
Les magistrats parisiens prennent le soin de souligner que ce droit de créance à l’information est réservé à l’expert, et non au comité d’entreprise. En effet, ils distinguent « d’une part les informations qui doivent être obligatoirement communiquées au comité d’entreprise et celles notamment relatives au groupe auquel appartient la société concernée dont l’expert peut demander la communication pour mener à bien sa mission ».
L’article L.2323-3 du code du travail dispose que le Comité d’entreprise doit pouvoir « exercer utilement sa compétence, en fonction de la nature et de l’importance des questions qui lui sont soumises ».
En l’espèce, le comité d’entreprise a obtenu un nouveau délai de deux mois pour formuler son avis. Ce délai court à compter de la communication effective des documents demandés par l’expert comptable.
La position de la Cour de cassation sur ces questions est ainsi fortement attendue notamment en raison de l’articulation d’une telle solution avec les dispositions introduites par la loi Rebsamen du 17 août 2015 (art. L.2323-11 du Code du travail) autorisant un accord de groupe à organiser la consultation sur les orientations stratégiques au niveau du comité de groupe, sans que cela n’empêche la consultation du CE sur les conséquences dans l’entreprise de ces orientations.
L’expert mandaté par le CE dans le cadre de l’examen des orientations stratégiques est légitime à accéder aux orientations stratégiques du groupe. Une condition : que l’entreprise ne dispose pas d’autonomie réelle vis-à-vis du groupe et que ces informations soient nécessaires à la compréhension de la stratégie du groupe.
Maria DAOUKI, Juriste
Source : CA paris, 15 juillet 2016, n°15/24432