Port du voile et licenciement : nouvel éclairage de la Cour de cassation

Dans  un arrêt de principe du 14 avril 2021, la Cour de cassation s’est prononcée sur la validité du licenciement prononcé à l’encontre d’une salariée  exerçant une activité professionnelle au contact de la clientèle de l’entreprise  en raison du port par celle-ci d’un « foulard islamique ».

Toute restriction à la liberté religieuse des salariés doit être fondée sur une exigence professionnelle essentielle et déterminante …

Pour rappel, dans cette affaire, une salariée engagée en qualité de vendeuse par une enseigne de prêt-à-porter a bénéficié d’un congé parental. A son retour de congé, elle s’était présentée à son poste de travail avec un foulard dissimulant ses cheveux, ses oreilles et son cou. Après lui avoir refusé de retirer son foulard à la demande de son employeur, la salariée avait été placée en dispense d’activité puis fut licenciée.

Soutenant être victime de discrimination en raison de ses convictions religieuses, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant à la nullité de son licenciement et au paiement de diverses sommes.

La salariée ayant  alors obtenu la nullité de son licenciement en appel  et la condamnation de l’employeur au paiement de dommages et intérêts, l’employeur a formé un pourvoi en cassation contre cette décision souhaitant faire reconnaître la légitimé du licenciement qu’il considère comme non-discriminatoire.

L’article L. 1121-1 du code du travail interdit à tout employeur d’apporter aux droits et aux libertés des salariés des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Ici était en jeu la liberté religieuse de la salariée que l’employeur entendait restreindre en raison de la nature de ses fonctions de vendeuse impliquant le contact et le conseil de la clientèle de l’enseigne.

Pour l’employeur, cette restriction ne constituait pas une discrimination car d’une part elle répondait à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, et d’autre part, elle était proportionnée au but recherché par l’entreprise.

Cette notion d’« exigence professionnelle essentielle et déterminante »  a été définie par la jurisprudence européenne comme une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause.

Elle ne saurait, en revanche, couvrir des considérations subjectives, telles que la volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits particuliers des clients.

Pour prononcer l’annulation du licenciement, la cour d’appel avait considéré que la justification apportée par l’employeur était explicitement placée sur le terrain de l’image de l’entreprise au regard de l’atteinte à sa politique commerciale, politique contrariée, au préjudice de l’entreprise, par le port d’un « foulard islamique » par l’une de ses vendeuses.

Confirmant l’arrêt ainsi rendu, la Cour de cassation considère alors que l’interdiction posée répondait non pas à une exigence professionnelle essentielle et déterminante mais était prise en réponse aux attentes alléguées et supposées des clients sur l’apparence physique des vendeuses d’un commerce de détail d’habillement.

Dès lors une telle justification ne saurait constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante de nature à permettre ledit licenciement.

… et reposer sur une clause de neutralité

En outre, la Cour de cassation rappelle que l’employeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communauté de travail l’ensemble des libertés et droits fondamentaux de chaque salarié, peut prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service, une clause de neutralité. Celle-ci pouvant engendrer une interdiction du port (visible) de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail à condition que cette clause reste générale et indifférenciée et ne s’applique qu’aux salariés en contact direct avec la clientèle.

En l’espèce, aucune clause de neutralité n’était constatée, ni dans le règlement intérieur de l’entreprise, ni dans une note de service.

Par conséquent, la haute juridiction confirme le raisonnement de la cour d’appel qui avait à juste titre déduit qu’en l’absence de toute clause en ce sens, l’interdiction faite à la salariée de porter un foulard islamique caractérisait l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses de la salariée.

 

Source :

 Soc, 4 avril 2021, n°19-24.079

 

Marie-Antoinette Mavoungou, Juriste