Peut-on prononcer une inaptitude pendant un arrêt de travail ?
L’inaptitude médicale au travail intervient lorsque l’état de santé d’un salarié n’est plus compatible avec la poursuite de son activité professionnelle. Elle peut être totale, lorsque le salarié ne peut plus occuper son poste, ou partielle, lorsqu’il peut l’exercer sous réserve d’adaptations, ce qui correspond à une aptitude avec réserves. Cette situation soulève également des difficultés pratiques, en particulier lorsque le salarié se trouve en arrêt de travail, une question qui a longtemps soulevé des hésitations mais sur laquelle la Cour de cassation s’est prononcée récemment.
Le cadre légal de l’inaptitude
L’inaptitude peut être prononcée lors des visites médicales prévues par le Code du travail, notamment la visite de reprise prévue à l’article R.4624-31 du Code du travail. La visite médicale de reprise est une visite obligatoire lors de la reprise du travail d’un salarié qui était en arrêt de travail dans l’un des cas suivants:
- Accident d’origine non professionnelle ou maladie d’origine non professionnelle ayant entraîné un arrêt de travail d’au moins 60 jours
- Accident du travail ayant entraîné un arrêt d’au moins 30 jours
- Maladie professionnelle (quelle que soit la durée de l’arrêt)
- Congé de maternité.
Lors de cette visite le médecin du travail va vérifier l’aptitude du salarié à son poste de travail. L’inaptitude ne peut être constatée que par le médecin du travail, conformément à l’article L4624-4 du Code du travail, lorsqu’il estime que l’état de santé du salarié ne lui permet plus d’occuper son poste et qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation n’est possible. Ce constat intervient à l’issue d’un examen médical, précédé d’une étude du poste et d’échanges avec l’employeur et le salarié.
Le médecin du travail pourra aussi constater l’inaptitude lors d’une visite périodique (R4624-16 du Code du travail) ou d’une visite demandée à l’initiative du salarié ou de l’employeur (articles L4624-1 du Code du travail et R4624-34 du Code du travail).
Une visite de pré-reprise peut être organisée pour les salariés en arrêt de travail de plus de 30 jours. Elle peut être demandée par le salarié, le médecin traitant, le médecin conseil de la Sécurité sociale ou le médecin du travail. Cette visite vise à anticiper les conditions de la reprise et à faciliter le retour à l’emploi. Lors de cette visite de pré-reprise le médecin du travail ne pourra pas se prononcer sur l’aptitude du salarié.
L’avis d’inaptitude du médecin du travail comporte des conclusions écrites et des indications concernant le reclassement.
L’obligation de reclassement du salarié inapte
Le reclassement doit être proposé dans un emploi approprié aux capacités du salarié, tenant compte des conclusions du médecin (Chambre sociale de la Cour de cassation, 28 janvier 2004) ; aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé si possible ou à défaut, de catégorie inferieur (Chambre sociale de la Cour de cassation, 27 octobre 1998) ; au sein de l’entreprise ou dans une des entreprises du groupe située sur le territoire national. L’employeur doit justifier les motifs rendant impossible le reclassement et les faire connaître par écrit au salarié (articles L1226-2-1 et L1226-12 du Code du travail).
Il n’est plus tenu, en principe, par l’obligation de recherche de reclassement pour le salarié inapte si tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou si l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi (article L1226-2-1 et article L1226-12 du Code du travail).
L’employeur dispose d’un mois pour remplir son obligation de recherche de reclassement à compter de l’avis d’inaptitude. Dès l’expiration de ce délai, l’employeur devra procéder au versement du salaire correspondant à l’emploi que le salarié occupait avant la suspension de son contrat de travail si aucun reclassement ou licenciement n’a été effectué (article L1226-4 Code du travail).
Le salarié peut accepter une proposition de reclassement. Dans ce cas, aucun licenciement n’aura lieu puisque la relation contractuelle se poursuit. Cependant, Le salarié déclaré inapte avec impossibilité totale de reclassement peut être licencié pour inaptitude.
L’inaptitude prononcée pendant la suspension du contrat pour arrêt maladie
La question de savoir si l’inaptitude peut se constater alors même que le salarié se trouve encore en arrêt maladie a suscité des incertitudes, liées à l’article R.4624-31 du Code du travail, lequel prévoit que la visite de reprise s’organise le jour de la reprise effective du travail.
Le 10 décembre 2025, la Cour de cassation a rendu un arrêt qui est venu confirmer un arrêt antérieur du 24 mai 2023 en précisant que le médecin du travail peut valablement déclarer un salarié inapte à l’occasion d’un examen prévu sur le fondement de l’article R4624-31 du Code du travail, même si l’examen se déroule pendant la suspension du contrat et malgré l’envoi par le salarié de nouveaux arrêts de travail.
En combinant les articles L.4624-4, R4624-31 et R.4624-32 du Code du travail, la Cour affirme que l’inaptitude est liée à l’examen médical lui-même, et non à la reprise effective du travail. Cette solution confirme que la suspension du contrat ne bloque pas le suivi médical. Même si le salarié est toujours en arrêt, le médecin du travail peut se prononcer sur son aptitude. Elle sécurise une pratique courante en permettant d’éviter des situations d’attente et de lancer plus rapidement, si besoin, les démarches de reclassement.
Conclusion
Cet arrêt rappelle une règle essentielle, même en cas d’arrêt maladie, l’inaptitude peut se constater sans attendre une reprise effective du travail. Pour les élus du CSE, cette clarification renforce la lisibilité des situations d’aptitude et permet d’accompagner plus efficacement les salariés concernés. En sécurisant la procédure, la Cour de cassation facilite aussi l’anticipation des suites possibles tels que l’aménagement du poste, le reclassement ou les procédure ultérieure. Comprendre ce cadre, c’est donner aux représentants du personnel les clés pour agir rapidement et conseiller utilement les salariés en situation fragile. En cas de besoin, n’hésitez pas à nous contacter.
