Nouvelles donnes, nouvelles pratiques du dialogue social chez Solvay, par l’effet de la loi Rebsamen

meeting-place- La loi du 17 août 2015, dite Rebsamen poursuit comme objectif principal la modernisation et la fluidification du dialogue social dans l’entreprise.

L’idée étant d’offrir la possibilité d’adapter la configuration des instances représentatives du personnel à la diversité des entreprises.

Ainsi, l’article 14 de la loi offre l’opportunité aux entreprises de plus de 300 salariés de regrouper, par voie d’accord à majorité renforcée, à partir de deux institutions, les IRP.

Selon le Ministère du travail, ce sont potentiellement 7000 entreprises couvrant 7 millions de salariés qui seraient concernées par ce regroupement.
S’intéressant à un dialogue social plus stratégique, la loi accorde ainsi une souplesse aux partenaires sociaux pour choisir l’architecture de leur institutions.

Saisissant cette opportunité, l’UES de l’entreprise Solvay a conclu, le 31 mai 2016 avec la CFDT et la CFE-CGC, un accord portant sur la rénovation du dialogue social.
En effet, suite à la parution du décret du 23 mars 2016, l’instance commune peut, sous réserve d’accord à majorité renforcée, s’appliquer depuis le 25 mars 2016.
Il faut dire que Solvay France a anticipé les décrets d’application de la loi, en constituant, dès septembre 2015, des groupes de travail afin de diagnostiquer l’état de son dialogue social.
Solvay France montre ainsi la voie de l’instance commune.

A notre connaissance, il s’agit du premier accord organisant un regroupement des IRP.
Ce qui confère à ce texte un intérêt pratique singulier que nous décryptons ici.

Sans attendre, voici donc un tour d’horizon des points innovants de l’accord :

Un regroupement des institutions représentatives du personnel à la carte dès les prochaines élections prévues en mars 2018

  • La faculté de composer des IRP à la carte au sein d’une même entreprise trouve son illustration : le choix de réunir les trois instances dans les petits établissements (A) tandis que les autres regroupent deux instances (B)

A° Etablissement de moins de 100 salariés et tertiaires :

L’article 7 de l’accord prévoit que ces établissements soient dotés d’une instance unique de représentations du personnel (IURP) réunissant les Délégués du Personnel (DP), les comités d’établissement (CE) et les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Si le nombre d’élus composant cette instance est égal à celui fixé par décret, le volume d’heures de délégation est augmenté de quatre heures par rapport au seuil réglementaire.
En revanche, les modalités de fonctionnement se limitent à préciser les délais concernant la diffusion et la prise en charge des procès verbaux de réunion.
En effet, lorsque l’instance commune intègre le CHSCT, une commission HSCT peut se voir confier totalement ou partiellement les prérogatives reconnues au CHSCT. Or, l’accord n’aborde ni la question de la composition, ni celle du fonctionnement de cette « commission HSCT ».

Enfin, dans la mesure où l’IURP regroupe le CE, il est prévu que celle-ci gère son patrimoine.

B° Etablissement de 100 salariés et plus et non tertiaires :

L’article 9 stipule que chacun de ces établissements sera doté d’un comité d’hygiène, de sécurité, d’environnement, de conditions de travail et de développement durable (CHSECT-DD) qui intégrera les DP, le comité d’entreprise étant exclu de l’Instance.

Relevons que le nombre de représentants élus qui, varie selon la taille de l’établissement, sera supérieur au seuil fixé par décret.
Ainsi, le comité relevant des établissements dont les effectifs sont compris entre 300 et 499 salariés sera composé de 8 titulaires et 8 suppléants, tandis que le plancher réglementaire est de 6 titulaires et 6 suppléants.
Enfin, le volume d’heures de délégation est augmenté de 8 heures de plus que celui prévu par décret.

Des règles de négociations adaptées : Un espacement des négociations

Conformément aux dispositions de ladite loi, l’accord a adapté la périodicité des négociations.
Faculté reconnue par le législateur, la négociation en principe annuelle portant sur l’égalité homme femme et la qualité de vie au travail devient triennale au terme de l’accord.
De même, la négociation en principe triennale sur la gestion des emplois et des compétences devient quinquennale.
Enfin, la périodicité de la négociation sur les conditions de travail demeure annuelle.

Les retouches apportées au fonctionnement des CE

Conformément aux dispositions de la loi Rebsamen, l’accord retient une périodicité bimestrielle pour les réunions des comités d’établissement, à partir du mois de septembre 2016 (au lieu d’un mois actuellement).
La possibilité de réunions extraordinaires est maintenue et la direction s’engage à financer les procès verbaux de réunion.

Enfin, la mutualisation du budget des activités sociales et culturelles du CE au niveau de l’UES Solvay, répartie entre les établissements est subordonnée à la conclusion d’un accord majoritaire.

Des mesures innovantes visant à favoriser l’exercice des mandats et à attirer de nouveaux salariés.

Les représentants du personnel et les organisations syndicales représentatives bénéficient de moyens supplémentaires pour optimiser leurs mandats.

L’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication est favorisée et l’accès aux moyens matériels est améliorée par rapport aux seuils légaux.

– Ainsi, les syndicats représentatifs se voient octroyer 400 jours de délégation répartis ainsi :

  • 150 jours de manière égale entre les organisations syndicales,
  • et 250 proportionnellement à la représentativité.

– un crédit d’heures annuel global reportable d’une année sur l’autre, calculé suivant l’effectif de l’établissement, est octroyé aux membres relevant de syndicats représentatifs afin qu’il puissent participer à l’organisation de la vie de leur syndicat ;
– les représentants du personnel peuvent bénéficier de formations complémentaires à celles prévues par le Code du travail ;
– un chapitre entier est consacré à la valorisation du parcours des représentants du personnel et des salariés.

En outre, anticipant le départ de près de la moitié des représentants du personnel dans les 5 années à venir, l’accord prévoit de mettre en place un dispositif de validation des acquis de l’expérience acquise au cours d’un mandat.
Le leitmotiv affiché du chapitre étant de rendre plus attractive la fonction de représentant du personnel, en s’inspirant des dispositions issues de la loi Rebsamen.

En effet, le nouvel article L.2141-5-1 institue une garantie d’évolution salariale pour les titulaires d’un mandat syndical.
Conformément à cet article, les bénéficiaires de cette garantie sont ceux qui disposent d’heures de délégation dépassant 30% de l’année de la durée de travail, qu’elle soit contractuelle ou celle qui s’applique dans l’établissement.

Autre mesure marquante : Solvay s’est engagé à rembourser la partie des cotisations syndicales restant à charge des salariés, après crédit d’impôt.

Maria DAOUKI, Juriste

Source : Actuel RH-Accord du 31 mai 2016 sur la rénovation du dialogue social