Négocier la GEPPMM : entre outil et risque pour l’emploi…

Depuis 2017, la bien-connue négociation sur la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) a été remplacée par la négociation d’un accord portant sur la Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels, et sur la Mixité des Métiers (GEPPMM). Plus que la remplacer, la nouvelle notion recouvre l’ancienne et la mêle à d’autres. Quels sont alors les enjeux d’une telle négociation ?

En théorie, cette négociation a pour objectif l’amélioration de la politique sociale au sein de l’entreprise. Pour autant, en pratique, certains risques pour l’emploi peuvent en découler…

 

 

La GEPPMM : un outil au service de la RSE

Négocier sur la Gestion des Emplois, des Parcours Professionnels et sur la Mixité des Métiers (GEPPMM) s’impose à certaines entreprises.

C’est l’une des conséquences de l’avènement du concept de la Responsabilité Sociale/Sociétale des Entreprises. Définie par la Commission européenne comme étant un « concept qui désigne l’intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes », elle fait désormais partie des thèmes abordés lors des trois consultations annuelles du CSE. L’examen des différents volets RSE d’une entreprise permet notamment de constater la situation d’une entreprise en matière sociale. Ainsi peut-on déterminer des objectifs et des projections sur l’emploi afin d’améliorer l’attractivité et la compétitivité de l’entreprise.

La négociation d’un accord portant GEPPMM y est intrinsèquement liée. Elle a pour objet, précisément, les thématiques touchant à la politique sociale de l’entreprise. La collaboration des partenaires sociaux et de l’employeur formalisée par la négociation s’avère ainsi, en théorie, un outil infaillible afin de déterminer une politique sociale adaptée et favorable tant à l’entreprise qu’aux salariés.

 

La négociation d’un accord GEPPMM : outils et objectifs

L’article L.2242-20 du Code du travail dispose de l’obligation de négocier sur la GEPPMM :

  • tous les 3 ans, ou 4 si un accord le prévoit ;
  • s’imposant aux entreprises d’au moins 300 salariés ou entreprises à dimension communautaire disposant d’au moins 1 établissement en France comptant au moins 150 salariés ;
  • portant a minima sur :
    • la GPEC (VAE, bilan de compétence, formation, mobilité, abondement du CPF) ;
    • la mobilité professionnelle et géographique dans l’entreprise nécessaire pour l’organisation de l’entreprise, la préservation ou le développement de l’emploi ;
    • les orientations à 3 ans de la formation professionnelle et les objectifs du plan de développement des compétences ;
    • la politique de recours aux contrats précaires et autres contrats ;
    • l’intégration des entreprises sous-traitantes à la stratégie de l’entreprise ;
    • la carrière et l’évolution de carrière des représentants syndicaux.

Ainsi l’accord est-il censé apporter des garanties supplémentaires aux salariés en matière de développement des compétences notamment. En effet, la négociation d’un accord portant GEPPMM répond directement à l’obligation de formation de l’employeur à l’égard des salariés. Le rôle des négociateurs représentants des salariés est d’exprimer les souhaits des salariés en la matière. Il s’agit alors d’obtenir des engagements de la part de l’employeur, en adéquation tant avec les besoins exprimés par les salariés qu’avec les perspectives de développement de l’entreprise.

Par exemple pourra-t-on négocier :

      • l’introduction de nouvelles thématiques de formation au sein du Plan de Développement des Compétences,
      • le rôle de tout un chacun dans l’établissement dudit plan,
      • un abondement plus favorable du CPF,
      • un accompagnement en matière d’élaboration d’un projet VAE,
      • une aide à la mobilité hors Accord de performance collectif,
      • les modalités d’information et de communication auprès des salariés concernant les dispositifs négociés,
      • les qualifications et compétences recherchées en matière de recrutement, les services auxquels il bénéficiera prioritairement,
      • les cas de recours aux différents types de contrat afin d’encadrer le recrutement,
      • les conditions précises de mise en oeuvre de la mobilité de l’article L.2254-2 du Code du travail…

Afin de négocier au mieux à propos de ces thématiques, nous recommandons l’établissement d’un diagnostic de la situation de l’entreprise.  Celui-ci doit avoir pour objectif la réalisation de l’état de la situation économique de l’entreprise et des perspectives de l’activité. L’accord négocié au vu de ces différents éléments permettra de l’intégrer aux stratégies de l’entreprise.

La réalisation des consultations annuelles obligatoires du CSE par l’employeur en amont des négociations facilite donc l’établissement d’un tel diagnostic, les informations fournies par le biais de la BDESE sur la Politique Sociale, des Conditions de Travail et de l’Emploi, la Situation Economique et Financière et les Orientations Stratégiques permettant de cerner les enjeux de développement de l’entreprise.

 

Des risques pour l’emploi ?

Si l’on s’en tient à la théorie, la négociation de la GEPPMM s’appuie donc sur une collaboration entre l’employeur et les représentants des salariés, ayant pour objectif de servir tous les intérêts en jeu. Pour autant, ces intérêts sont déterminés au regard de constats et prévisions établis à un instant T. Pourtant, de nombreux facteurs entrent en compte dans l’établissement de la stratégie de l’entreprise, lesquels sont évidemment mouvants et dont il convient de bien cerner les contours. 

La modification ou réorganisation de l’activité et les mesures de formation l’accompagnant peuvent notamment perdre tout intérêt du fait d’évolutions techniques ou technologiques, mais encore économiques imprévisibles. Ces modifications ne sont pas sans rappeler les motifs économiques pouvant être invoqués à l’appui d’un projet de licenciement collectif. Ainsi, un décalage entre les prévisions et la réalité peut avoir de lourdes conséquences sur l’emploi.

Par ailleurs, il convient de mesurer correctement l’impact des engagements pris à l’égard des salariés. L’établissement d’un plan de développement des compétences trop ambitieux ou la réorganisation de l’activité peut présenter des risques. Il convient en effet de veiller à ce que ces mesures ne causent pas de problématiques de surcharge de travail ou de risques psychosociaux au sein de l’entreprise.

Voici quelques outils pour parer les risques auxquels se heurte la négociation de la GEPPMM :

      • Mise en place d’une Commission de suivi de l’exécution de l’accord par le biais d’une clause dans l’accord ;
      • Négociation d’une clause de révision de l’accord pour parer les décalages entre prévision et réalité détectés, notamment, par la Commission de suivi ;
      • Adoption de mesures préventives et correctives en matière de risques psychosociaux ainsi que de contrôle de la charge de travail et du bien-être au travail ;
      • Aménagement de l’entrée en vigueur échelonnée de certains dispositifs mis en place par l’accord, conditionnée à la survenance de certains événements.

Négocier un accord portant GEPPMM présente donc de nombreux intérêts, à condition toutefois d’être conscient des aléas auxquels son exécution peut être confrontée !

 

Fanny Jean, Juriste/Consultante experte CSE