Mutualisation et annualisation des heures de délégation, le délai de prévenance de l’employeur

Profondément réformée par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 (dite Rebsamen), la délégation unique du personnel (DUP) voyait notamment reconnues aux membres de l’instance les facultés d’annualisation et de mutualisation de leurs heures de délégation en contrepartie d’une perte en volume et afin d’en optimiser l’utilisation dans l’année. Un décret n°2016-345 du 23 mars 2016 intervenait alors, subordonnant ces nouvelles modalités d’utilisation dérogatoires à une conditions de prévenance de l’employeur 8 jours avant leur mise en œuvre (nouvel art. R.2326-3 du Code du travail).

 

 

C’est ce nouveau délai qui, ayant fait l’objet d’une contestation élevée par une organisation syndicale y voyant un obstacle disproportionné aux deux nouvelles facultés ouverte aux membre d’une DUP, réside au cœur de l’arrêt rendu le 31 mars 2007 par le Conseil d’Etat (CE 1ère ch., 31 mars 2017, n° 399957) ci-après commenté.

EN L’ESPECE, 

L’organisation syndicale contestait au pouvoir règlementaire son ingérence en la matière alors que la Loi Rebsamen ne prévoyait ni de décret d’application à venir en la matière, ni un tel délai concernant la prévenance de l’employeur.

Pour rappel, la loi instaurait au profit des membres titulaires de la DUP les facultés respectives:

  • d’Annualisation de leurs heures de délégation, soit la possibilité pour chacun d’eux de cumuler sur une période de 12 mois maximum les heures ainsi accordées mensuellement. Un élu ne pouvant néanmoins pas disposer d’un crédit équivalent à plus d’une fois et demi (1,5 fois) le crédit mensuel lui étant en principe accordé. 

(Notons qu’en la matière la loi prévoyait qu’un décret d’application aurait vocation à fixer les conditions d’utilisation des heures de délégation)

  • et de Mutualisation de leurs heures de délégation, soit la possibilité pour les membres, à condition d’en informer l’employeur, de répartir ces heures chaque mois entre eux et avec leurs suppléants. Là également, un élu ne pouvant pas disposer d’un crédit équivalent à plus d’une fois et demi (1,5 fois) le crédit mensuel lui étant en principe accordé. 

(La loi ne prévoyait en revanche pas de renvoi à un décret pour en fixer les conditions).

 

Pour la haute juridiction administrative peu importait que le législateur spécifie pour chaque disposition l’éventuel champs laissé au pouvoir règlementaire dès lors qu’il se cantonne effectivement à préciser les modalités de mise en œuvre des garanties instituées.

Les magistrats écartent également l’argument tiré de la disproportion d’un tel délai de 8 jours considérant qu’il est équilibré au regard de l’impact de telles facultés dérogatoires sur l’organisation de l’entreprise.

Enfin, le Conseil d’Etat évacue l’argument du syndicat reposant sur la rupture d’égalité alors instituée, les membres du CHSCT pouvant, sans qu’un tel délai s’impose à eux, procéder à une mutualisation (mais pas à l’annualisation) comparable de leurs heures.

En effet, pour les juges, l’étendue – exceptionnelle – des facultés reconnues à ce regroupement d’instances justifie un encadrement tout aussi dérogatoire dès lors qu’est maintenu un équilibre – qu’ils caractérisent en l’espèce – entre facilité d’usage et bon fonctionnement de l’entreprise.

 Frédéric ROUGON, Juriste