Loi « Travail », le motif de licenciement redéfini
La dernière mouture du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs dite « Loi Travail », contient une refonte des causes de licenciement économique.
Aux cotés des mutations technologiques et des difficultés économiques qui feront l’objet de réajustements, la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité comme la cessation d’activité devraient faire l’objet d’une redéfinition.
Ces dernières devraient de prime abord faire l’objet d’une codification.
En effet, la réorganisation de l’entreprise pour sauvegarde de la compétitivité est reconnue par les hauts magistrats de la Cour de cassation depuis 1995 (Cass. Soc. 5 avril 1995, n°93-42.690, publié au bulletin de la Cour) et par les Sages du Conseil Constitutionnel (DC n° 2001-455 du 12 janvier 2002) depuis 2002, leur attention portée sur la question au détour de l’examen de la Loi de modernisation sociale.
Concernant la cessation d’activité, celle-ci a été consacrée par la jurisprudence de la haute cour dans un arrêt du 16 janvier 2001 n°98-44647 (également publié).
Par ailleurs, la notion de difficultés économiques devrait également être précisée, leur reconnaissance par les juges devant alors passer par le constat :
– Soit d’une baisse des commandes ou d’une baisse de chiffre d’affaires, dans ce cas constatée sur plusieurs trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l’année précédente ;
(à noter que le texte du projet envisage de renvoyer à la convention collective ou à l’accord de branche le soin de définir la durée minimale permettant de constater ladite baisse, sans que celle-ci ne puisse être inférieur à 2 trimestres consécutifs ;
A défaut d’un tel accord ou convention, la durée ne pourrait être inférieur à 4 trimestres consécutifs) ;
– Soit de pertes d’exploitation constatées sur plusieurs mois ;
(le texte du projet envisageant également de renvoyer à la convention collective ou à l’accord de branche le soin de définir la durée minimale permettant de constater ces pertes, sans que celles-ci ne puissent être constatée durant au moins 1 trimestre ;
A défaut d’un tel accord ou convention, la durée ne pourrait être inférieur à 2 trimestres consécutifs) ;
– Soit par une importante dégradation de la trésorerie ;
– Soit « par tout élément de nature à justifier ces difficultés »
(cette rédaction, dont la vocation est d’admettre la non exhaustivité des motifs tels qu’ainsi établis, soumise à la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale, a été retenue ; ladite Commission a cependant introduit aux indicateurs celui de l’ampleur des difficultés aux cotés de leur durée considéré comme mécanique. Un nouvel indicateur devrait être ajouté, à savoir la dégradation de l’excédent brut d’exploitation, ressource d’exploitation dégagée au cours d’une période par l’activité principale de l’entreprise.
Les effectifs salariés devraient être pris en compte pour moduler la durée minimale des baisses des commandes ou du chiffre d’affaires afin d’aménager le cas des TPE et PME).
Un dispositif anti-abus est envisagé et prévoit que ne pourront constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique les difficultés créées artificiellement dans l’unique but de procéder à des suppressions d’emplois.
Enfin, concernant le périmètre d’appréciation du motif économique, ce dernier devrait être limité au niveau national, lorsque l’entreprise visée n’appartient pas à un groupe et dans le cas contraire, limité au secteur d’activité commun aux entreprises implantées sur le territoire national dudit groupe.
Dès lors, serait abandonnée la position jurisprudentielle actuelle refusant de limiter au niveau des entreprises situées en France l’analyse du motif économique avancé, lorsque le secteur d’activité du groupe dépasse le cadre national (notamment, Cass. Soc. 12 juin 2001, n° 99-41571).
Cela pourrait signifier à terme autoriser les entreprises confrontées à des difficultés économiques sur le territoire français de se restructurer même si elles relèvent d’un groupe dont les activités dans le monde sont florissantes, ce qui est actuellement condamné par la haute juridiction (notamment Cass. soc. 28 février 2012 n° 10-21.050).
Frédéric Rougon, Juriste
Sources :
– Projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs ;
– Cour de cassation, chambre sociale, 5 avril 1995, n°93-42.690, publié au bulletin de la Cour) ;
– Décision du Conseil Constitutionnel n° 2001-455 du 12 janvier 2002 relatif à l’examen de la Loi de modernisation sociale ;
– Cour de cassation, chambre sociale, 16 janvier 2001 n°98-44647 ;
– Cour de cassation, chambre sociale, 12 juin 2001, n° 99-41571