Dans quels cas un employeur n’a pas l’obligation de reclasser un salarié inapte ?

  obligation inaptitude

Dans une décision du 12 juin 2024 la Cour de cassation apporte des précisions quant à l’obligation de reclassement incombant à l’employeur en cas d’inaptitude d’un salarié. Cela permet de clarifier des règles qui peuvent paraitre complexes pour les salariés concernés.

La reconnaissance de l’inaptitude du salarié

Un salarié est reconnu inapte lorsqu’il n’est plus en capacité d’exercer l’emploi qu’il occupait dans l’entreprise. Il y a donc une incompatibilité entre le poste occupé par le salarié et son état de santé.

Il ne s’agit en aucun cas d’une inaptitude à exercer cet emploi dans une autre entreprise.

L’inaptitude du salarié est constatée par le médecin du travail à la suite d’un examen médical et éventuellement d’examens complémentaires.

Dans un arrêt du 24 mars 2023 la Cour de cassation a précisé que le médecin du travail peut constater l’inaptitude d’un salarié à son poste à l’occasion d’un examen organisé durant l’arrêt de travail. Il n’y a donc aucune obligation que l’inaptitude soit constatée lors de la visite de reprise du salarié.

L’inaptitude prononcée peut être partielle (le salarié peut encore accomplir une partie des tâches correspondant à son poste) ou totale (le salarié ne peut plus accomplir de tâche correspondant à son poste mais peut exercer une autre fonction dans l’entreprise).

Le salarié peut aussi être déclaré inapte à tout poste dans l’entreprise.

L’obligation de reclassement de l’employeur

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à son poste l’employeur doit lui proposer un autre emploi « approprié à ses capacités au sein de l’entreprise ou du groupe auquel elle appartient » (Article L1226-2 du code du travail).

C’est ce que l’on appelle l’obligation de reclassement de l’employeur.

L’employeur devra prendre en compte les conclusions du médecin du travail dans la proposition d’emploi faite au salarié.

L’article L1226-2-1 du code du travail dispose, que s’il est impossible pour l’employeur de proposer un autre emploi au salarié il devra lui faire connaitre les motifs s’opposant à ce reclassement.

L’alinéa 2 de cet article prévoit les cas dans lesquels l’employeur est dispensé de cette obligation de reclassement

Ce sont les cas suivants :

  • S’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2,
  • Le refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions
  • La mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé
  • La mention expresse dans l’avis du médecin du travail que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. 

Une fois le salarié déclaré inapte l’employeur a un mois pour le reclasser ou le licencier. Si l’employeur ne reclasse pas le salarié ou ne le licencie pas dans ce délai d’un mois il devra reprendre le versement des salaires que le salarié percevait avant son arrêt maladie.

Les précisions de l’arrêt du 12 juin 2024 sur la dispense de recherche de reclassement

La Cour de cassation a été amené à se prononcer sur le cas d’un salarié déclaré inapte et dont l‘avis du médecin du travail prévoyait que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi ».

L’employeur n’avait pas proposé de poste au salarié estimant qu’il se trouvait dans l’un des cas de dispense évoqué ci-dessus. Il considérait être dans le cas de l’avis du médecin du travail mentionnant « que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». Ce qui dispense l’employeur de reclasser le salarié.

Le salarié conteste la validité du licenciement en faisant valoir que l’avis faisait mention que son état de santé fait obstacle à un reclassement dans « l’emploi » et donc uniquement dans l’emploi qu’il occupait et non à « un emploi » qui fait référence à une généralité.

La Cour de cassation considère que lorsque l’avis d’inaptitude mentionne expressément que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, l’employeur est dispensé de rechercher et de proposer au salarié des postes de reclassement.

Le CSE doit être consulté en cas d’inaptitude du salarié au sujet des propositions de reclassement (article L 1226-2 du code du travail). Il ne sera pas consulté en cas de dispense de recherche de reclassement de l’employeur. Ainsi, connaître le cadre légal de l’obligation de reclassement de l’employeur est un enjeu important pour les membres du CSE. L’avis d’un expert CSE peut donc être important en cas de doute.  En cas de besoin n’hésitez pas à nous contacter.

                                                           

                                                                                                                                                                                                          Thomas Chevillotte, Juriste/Consultant expert CSE