L’expertise en cas de risque grave
Dans les entreprises de plus de 50 salariés le CSE a la possibilité de désigner un expert habilité dans les cas prévus par le code du travail. L’article L2315-94 du code du travail lui permet de désigner un expert habilité « Lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement ». Quel est le cadre de cette expertise ? Comment désigner cet expert ?
Les caractères de la notion de risque grave
Avant d’entamer l’expertise, le CSE doit identifier un risque grave. Les juges exercent un contrôle sur la menace invoquée par le CSE.
Ce risque doit présenter certains caractères définis par la jurisprudence. Le risque doit être grave, identifié et actuel.
Pour qu’un risque soit identifié il faudra qu’il repose sur des faits précis et objectifs.
Le risque doit aussi être actuel, c’est à dire existant au moment de la délibération du CSE.
Une fois le risque identifié une délibération du CSE doit avoir lieu lors d’une réunion ordinaire ou extraordinaire.
Lors de cette délibération le CSE devra justifier la présence d’un risque grave. L’imprécision des motifs évoqués permettrait à l’employeur de contester l’expertise. Il faudra donc détailler les éléments permettant de prouver l’existence du risque mais aussi sa gravité.
Le vote de l’expertise se fait à la majorité des membres présents.
La preuve de l’existence du risque grave par le CSE
Le CSE qui vote l’expertise et la justifie doit se baser sur des éléments objectifs et vérifiables.
Il pourra notamment se prévaloir :
- D’échange de mails entre les salariés et la direction.
- De pétitions
- de courriers de l’inspection du travail
Dans un arrêt du 10 juillet 2024 la Cour de cassation a apporté une précision importante.
Dans cette affaire un CHSCT avait décidé de recourir à une expertise en cas de risque grave.
L’employeur entame alors un recours en justice pour demander la limitation de la communication des documents sollicités par l’expert au périmètre de la direction des ressources humaines et la réduction du coût de l’expertise.
Il considérait, en effet, que le coût de l’expertise était excessif du fait d’un nombre important d’entretiens entre l’expert et les membres du personnel.
La Cour de cassation a estimé que « l’expert désigné dans le cadre d’une expertise pour risque grave, s’il considère que l’audition de certains salariés de l’entreprise est utile à l’accomplissement de sa mission, peut y procéder à la condition d’obtenir l’accord des salariés concernés. »
L’expert peut donc librement procéder à l’audition de certains salariés, sans l’accord de l’employeur. Il devra seulement obtenir l’accord du ou des salariés auditionnés.
Une décision qui ne s’applique pas à toutes les expertises
Cette décision n’est applicable, pour le moment, qu’aux experts habilités désignés dans le cadre d’une expertise en cas de risque grave.
Ainsi on peut se demander si cette solution sera étendue à l’ensemble des désignations d’experts habilités. C’est-à-dire aux experts qui ont obtenu une certification spécifique justifiant de compétences spécifiques leur permettant d’être désignés dans le cadre des missions mentionnées à l’article L2315-94 du code du travail :
- Lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement ;
- En cas d’introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévus au 4° de l’article L. 2312-8 ;
- Dans les entreprises d’au moins trois cents salariés, en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle.
Il convient de rappeler que dans un arrêt du 28 juin 2023 la Cour de cassation a considéré que l’expert désigné dans le cadre d’une consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi ne peut procéder à l’audition de certains salariés de l’entreprise qu’avec l’accord de l’employeur.
Ainsi en dehors des trois missions susvisées (pour lesquels les juges devront apporter des précisions), la Cour de cassation exige toujours l’accord de l’employeur pour que l’expert auditionne les salariés.
Le CSE a des prérogatives importantes en matière de santé et sécurité au travail. Le déclenchement d’une expertise en cas de risque grave peut donc apparaître primordial. L’identification et la justification des caractères du risque peut être un tâche compliquée pour les élus du personnel. En cas de besoin n’hésitez pas à nous contacter.
Thomas Chevillotte, Juriste/Consultant expert CSE