Le tractage syndical au sein de l’entreprise

Le principe de liberté syndicale autorise notamment les représentants syndicaux d’une entreprise à l’affichage et/ou la diffusion de communications syndicales 1 dans l’entreprise. L’employeur ne peut y porter atteinte si les représentants respectent les dispositions légales et réglementaires du droit du travail. C’est ce que rappelle la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 5 janvier 2022 2 en matière de tractage syndical.

Qui peut afficher ou diffuser des communications syndicales ?

L’affichage ou la diffusion de communications syndicales sont réservés aux syndicats ayant constitué une section syndicale au sein de l’entreprise ou l’établissement.

Peuvent instituer une section syndicale dans l’entreprise les syndicats répondant aux critères suivants :

  • Avoir plusieurs adhérents dans l’entreprise/l’établissement ;
  • Être représentatif ou affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ou satisfaire aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, étant légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise concernée 3.

Afin d’exercer les droits associés au principe de liberté syndicale dans l’entreprise, les syndicats disposent de représentants. Ces représentants peuvent être :

  • Le délégué syndical 4 ;
  • Un représentant de section syndicale désigné par le syndicat dès lors qu’il n’est pas représentatif dans la structure au sein de laquelle on compte au moins 50 salariés 5.

Pour autant, un adhérent peut parfaitement exercer le droit d’affichage ou de diffusion de communications syndicales.

 

Cadre légal des affichages et diffusions de communications syndicales

L’affichage de communications syndicales est librement effectué sur des panneaux mis à disposition de la section syndicale par l’employeur.

Les publications et tracts peuvent quant à eux être diffusés au sein de l’entreprise aux heures d’entrée et de sortie du travail. On parle de tractage syndical.

Par ailleurs, ces publications ou tracts peuvent être communiqués par des moyens électroniques à disposition dans l’entreprise (intranet ou autre modalité décidée par accord). Pour autant, de la même manière qu’un salarié peut refuser un tract papier, il doit être en mesure de pouvoir refuser un message électronique. Ainsi un salarié peut-il refuser d’apparaître sur la liste de destinataires à disposition des syndicats.

L’idée sous-jacente de cet encadrement est de ne pas permettre aux syndicats de perturber la bonne marche, le bon fonctionnement de l’entreprise.

Enfin, leur contenu est libre mais soumis aux mêmes restrictions que celles qui sont imposées à la presse (interdiction d’atteinte au respect de la personne, à la vie privée, mais également de l’injure, des caractères diffamatoires et/ou discriminatoires, diffusion de fausses informations…).

 

Atteinte à l’exercice de la liberté syndicale par l’employeur

L’atteinte à l’exercice du tractage syndical peut constituer un acte discriminatoire. De ce fait, le Code du travail réprime ces atteintes.

En effet, l’article L.1132-1 du Code du travail 6 interdit entre autres toute discrimination fondée sur l’activité syndicale.

Aussi, les articles L.2141-5 à L.2141-8 du même Code 7 interdisent à l’employeur :

  • de prendre en compte l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour prendre une quelconque décision ;
  • de prélever les cotisations syndicales sur les salaires de son personnel et de les payer au lieu et place de celui-ci ;
  • d’employer un moyen de pression en faveur ou à l’encontre d’une organisation syndicale.

Par conséquent, dans le cas où il commettrait un tel acte, il serait abusif et donnerait lieu à dédommagement de l’organisation syndicale visée.

 

L’arrêt du 5 janvier 2022 : discrimination par l’atteinte au droit de diffusion de communications syndicales.

Ainsi, l’arrêt du 5 janvier 2022 est intéressant en ce qu’il nous permet d’illustrer les règles énoncées précédemment.

Un délégué syndical de la CFDT a pratiqué le tractage syndical au portique d’entrée de l’entreprise entre 11h30 et 14h00.

Cependant, l’employeur a empêché cette distribution ayant considéré que :

  • cette plage d’horaires variables correspondait à la pause déjeuner et non aux heures d’entrée ou de sortie du travail ;
  • la distribution devait avoir lieu en dehors de l’entreprise ;
  • les informations contenues dans les tracts constituaient des informations confidentielles (informations extraites du rapport du cabinet comptable).

Il n’a pour autant pas empêché les autres syndicats la mise à disposition de pochettes de tracts. De même, il n’a pas interdit la diffusion de ces informations à d’autres organisations syndicales par le passé.

L’employeur emploie donc un moyen de pression à l’encontre d’une organisation syndicale. Par ailleurs, il se rend coupable de discrimination à l’égard de la CFDT.

La Cour condamne l’employeur au paiement de dommages-intérêts au profit de l’organisation syndicale car :

  • elle considère que la plage d’horaires variables s’étendant de 11h30 à 14h00 prévue dans l’accord d’entreprise sur l’organisation et le temps de travail conclu entre les syndicats et l’employeur est une période durant laquelle chaque salarié peut choisir ses heures d’arrivée et de départ librement ;
  • la distribution peut bel et bien avoir lieu sur le lieu de travail, en l’occurrence à l’entrée de l’entreprise ;
  • un autre syndicat avait déjà communiqué les informations en question.

 

Fanny JEAN, Juriste/Consultante experte CSE

 

  1. Articles L.2142-3 à L.2142-7 du Code du travail
  2. Chambre sociale, Cour de cassation, arrêt du 5 janvier 2022, pourvoi n°20-15.005
  3. Article L.2142-1 du Code du travail
  4. Sur le délégué syndical : articles L.2143-1 à L.2143-8
  5. Article L.2142-1-1 du Code du travail
  6. Texte général portant prohibition des discriminations : article L.1132-1 du Code du travail
  7. Articles L.2141-5 à L.2141-8 du Code du travail