Le salarié peut-il refuser une mobilité géographique ?
Dans leur relation de travail, l’employeur et le salarié sont liés par un contrat de travail. La jurisprudence distingue les éléments essentiels du contrat de travail qui ne peuvent être modifiés sans l’accord de l’employeur et la modification des conditions de travail qui relève de l’appréciation de l’employeur. Le salarié pourra être sanctionné s’il refuse une modification de ces conditions de travail. La frontière entre ces deux notions peut être compliquée à appréhender. S’agissant du lieu de travail, le cadre est défini au travers de la jurisprudence. Une mobilité géographique est-elle une modification du contrat de travail ?
La mention du lieu de travail dans le contrat de travail
En principe, le lieu de travail n’est pas un élément essentiel du contrat de travail. En effet, il ne s’agit pas d’une mention obligatoire. Le lieu de travail n’a qu’une valeur informative.
Néanmoins, le lieu de travail peut être contractualisé si une clause précise expressément que le lieu de travail est un élément essentiel du contrat et que le salarié exécutera exclusivement son travail dans ce lieu. En présence d’une telle clause, l’employeur ne pourra imposer une modification de son lieu de travail au salarié.
Si une telle clause n’a pas été prévue, la jurisprudence a induit un cadre spécifique pour la mobilité géographique.
En présence d’une clause de mobilité géographique
Un contrat de travail peut inclure une clause de mobilité. Cette clause prévoit que le salarié accepte la modification de son lieu de travail.
Elle doit délimiter la zone géographique visée. Cette zone ne peut pas être évolutive. Une clause prévoyant une mobilité sur l’intégralité des établissements situés sur le territoire français est valable.
Lorsque la clause de mobilité est mise en œuvre, la mutation doit être dictée par un intérêt légitime de l’entreprise.
Si la mobilité répond à cet intérêt légitime (exemple : répond à la bonne organisation de l’entreprise), le salarié ne pourra, en principe, refuser la modification de son lieu de travail.
Il existe, néanmoins, un tempérament à ce principe. En effet, si la mise en œuvre de la clause porte atteinte à la vie personnelle et familiale du salarié, il pourra refuser son application. La mise en œuvre d’une clause de mobilité a, ainsi, été considérée comme abusive pour un salarié dont l’épouse était enceinte de sept mois et que le poste concerné pouvait être pourvu par quelqu’un d’autre (Cass.soc, 18 mai 1999, n° 96-44.315).
En cas de litige, il y a donc un contrôle du juge sur les répercussions de la mise en œuvre de la clause sur la vie personnelle et familiale du salarié.
En l’absence de clause de mobilité géographique
Si le contrat ne prévoit pas de clause de mobilité, l’employeur peut imposer une mutation géographique uniquement si le nouveau lieu de travail se trouve dans le même secteur géographique que le lieu de travail actuel.
La loi ne donne pas de définition précise du secteur géographique commun. Les juges vont donc apprécier cette notion en utilisant un faisceau d’indices.
Les critères les plus utilisés sont :
- L’identité du bassin d’emploi
- La distance entre les deux lieux de travail et leur desserte par les transports publics
- Les conditions de circulation entre les deux lieux de travail
Les juges vont examiner l’ensemble de ces éléments pour déterminer si oui ou non le secteur géographique est identique.
Dans le cadre de leur mandat, les élus du personnel sont amenés à aiguiller les salariés sur les problématiques qu’ils rencontrent. Dans le cadre de réorganisation, il est courant que l’employeur propose des mutations géographiques aux salariés. Connaître les dispositions applicables en la matière s’avère alors primordial. En cas de besoin, n’hésitez pas à nous contacter !
Thomas Chevillotte, Juriste/Consultant expert CSE