Le juge des référés prud’homal, s’il ne peut pas prononcer l’annulation d’une sanction illicite…il peut en supprimer tous les effets
Par un arrêt rendu le 23 mars 2017 (n°15-23090), la Cour de cassation rappelle à un employeur béotien en la matière, d’une part, qu’une sanction, autre qu’un licenciement, prononcé à l’égard d’un salarié et non prévu par le règlement intérieur de l’entreprise est illicite et, d’autre part, la compétence du juge des référés prud’homal qui, s’il ne peut prononcer l’annulation lui-même d’une telle sanction, peut en ordonner l’annulation par l’employeur.
Rappelons-le, interrogée sur ce point par le biais d’un pourvoi introduit en 2009 ayant donné lieu à un arrêt rendu le 26 octobre 2010, n° 09-42740 et publié sur son bulletin, la Cour de cassation a pu rappeler l’interprétation stricte qu’elle fait des articles L.1321-1 et L.1331-1 du Code du travail considérant (en visant précisément le 3° de l’article L.1321-1 précité) :
« que le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur, une sanction ne peut être prononcée contre un salarié que si elle est prévue par ce règlement intérieur ».
Si, la Haute Juridiction avait pu user d’un tel principe dans des cas où, s’il existait bien dans l’entreprise un règlement intérieur, celui-ci ne prévoyait nullement la sanction infligée, il ne faisait alors aucun doute qu’elle maintiendrait la même position en l’absence absolue de tout règlement alors que celui-ci s’imposait légalement en l’espèce du fait de l’effectif de l’entreprise.
EN L’ESPECE,
Un salarié d’une association – qui, ayant plus de 20 salariés, était tenue par l’obligation d’élaborer un règlement intérieur (art. L.311-2 du Code précité) – s’était vu notifier un avertissement disciplinaire par son employeur.
Arguant de l’illicéité de la sanction non prévue au règlement intérieur, puisque ce dernier était alors inexistant, le salarié avait saisi le juge des référés prud’homal.
Ce dernier avait fait droit à la demande du salarié et ordonné à l’employeur d’annuler la sanction infligée. Position par la suite confirmée par la Cour d’appel statuant en référé.
L’employeur décidait alors de se pouvoir en cassation, faisant valoir :
- D’une part, que l’absence de règlement intérieur ne pouvait conduire à le priver de tout pouvoir disciplinaire, hormis la sanction du licenciement, et donc de la faculté de prononcer un avertissement ;
- Et d’autre part, que la cour d’appel, statuant alors en référé, ne pouvait ordonner un telle annulation, procédant alors à la remise de la situation en l’état antérieur à cette sanction.
La Haute Cour, balayant ces arguments, rejète le pourvoi de l’employeur, respectivement :
- En confirmant sa position adoptée en 2010, tendant à reconnaitre illicite la sanction non prévue par le règlement intérieur;
- Et, en rappelant, que si le juge des référés prud’homal n’a pas la compétence de pour prononcer l’annulation d’une sanction disciplinaire (notamment, Cass. soc., 7 janvier 1988, n° 85-42761, même jugée illicite, puisqu’alors il trancherait le fond du litige qui ne relève pas de sa compétence), une telle formation peut prescrire les mesures conservatoires (figeant une situation de fait) ou les mesures de remise en état (retour à une situation antérieur) qui s’imposent respectivement soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Ainsi en ordonnant à l’employeur de faire ce qu’elle ne pouvait juridiquement pas faire elle-même la formation de référé était dans son bon droit et neutralisait les effets d’une situation jugée contraire au droit.
Notons, qu’une situation similaire avait donnée lieu au prononcé par un juge des référés de la réintégration sous astreinte d’un salarié dans ses fonctions antérieures lorsque la mutation disciplinaire prononcée à son encontre par son employeur n’était pas prévu au règlement intérieur de l‘entreprise (Cour d’appel de Versailles, 19 octobre 2014, n°04/347). De même, un juge des référés prud’homal avait pu ordonner la poursuite d’un CDD, au-delà de son terme, dans l’attente de la décision des juges du fond alors saisis de l’action du salarié en requalification de son contrat en CDI (Cass. soc., 8 mars 2017, n° 15-18560).
Frédéric Rougon, Juriste
Sources :