Le cadre juridique de l’usage d’entreprise
En droit français, les avantages octroyés aux salariés peuvent prendre différentes formes. Ils peuvent provenir d’accords collectifs conclus entre la direction et les organisations syndicales, de la loi ou encore du contrat de travail. Identifier la provenance d’un avantage est essentiel pour comprendre son régime juridique. La jurisprudence a introduit depuis de nombreuses années la notion d’usage d’entreprise. Un usage n’est pas un engagement écrit de l’employeur, mais constitue une véritable norme en droit social français dont nous vous exposons le régime légal.
Les critères constitutifs d’un usage
Un usage est avant tout une pratique d’entreprise. Il ne fait pas l’objet d’un écrit.
Néanmoins, toute pratique n’est pas un usage. Pour qu’elle soit reconnue en tant qu’usage, la pratique doit remplir trois conditions :
- Etre constante
- Etre fixe
- Etre générale
Ces trois conditions sont cumulatives.
La généralité de l’usage d’entreprise
Afin d’être qualifié d’usage l’avantage octroyé doit être général c’est-à-dire qu’il doit profiter à l’ensemble des salariés, des anciens salariés ou au moins à une catégorie déterminée d’entre eux ( Chambre sociale de la Cour de cassation, 27 mai 1987, n°82-42.115)
Ainsi, une récompense qui ne concernerait que des salariés choisis individuellement, sans règle précise, ne pourra pas être considérée comme un usage.
Une catégorie peut remplir ce critère même si elle est ultra-minoritaire dans l’entreprise.
L’usage peut être limité à un seul établissement de l’entreprise. Dans ce cas, le salarié qui change d’établissement ne rentrera plus dans la catégorie concernée par l’usage et n’en bénéficiera plus.
La fixité de l’usage d’entreprise
L’avantage octroyé doit s’appliquer selon des modalités fixes et stables.
Les modalités de fixation de celui-ci doivent être déterminés à l’avance et non soumis à un pouvoir discrétionnaire de l’employeur. Il importe peu que l’employeur porte à la connaissance des salariés les règles de détermination de l’avantage en question.
Par exemple, une prime versée annuellement par l’employeur (qui n’est pas prévue par un quelconque accord collectif) dont le montant est laissé à son appréciation en fonction du comportement du salarié ne rempli pas ce critère de fixité.
La constance de l’usage d’entreprise
Enfin, pour être constitutif d’un usage, la pratique concernée doit être constante. L’avantage doit être attribué un certain nombre de fois d’une manière continue. Un fait isolé ne peut constituer un usage.
Le versement d’une prime au cours d’une année sans que cela soit renouvelé ne constitue donc pas un usage.
L’attribution doit donc être régulière
Il convient de préciser que l’erreur (si elle est prouvée) ou la simple tolérance de l’employeur ne peuvent constituer un usage.
La dénonciation de l’usage
Lorsqu’il remplit les conditions précitées, l’avantage est considéré comme un usage.
Il a donc force obligatoire, c’est-à-dire que l’employeur doit le maintenir.
Toutefois, il est important de préciser qu’un usage n’est jamais intégré dans le contrat de travail des salariés. Il est impossible qu’il acquière une valeur contractuelle, sauf avenant au contrat de travail.
L’employeur pourra décider de mettre fin à la pratique de l’usage, mais devra respecter une procédure particulière. Il devra dénoncer l’usage.
La procédure de dénonciation est soumise à trois étapes cumulatives :
- L’information des représentants du personnel : l’information doit être donnée en réunion du CSE. Une information des représentants par LRAR individuellement ne suffit pas.
- L’information individuelle des salariés: l’employeur doit envoyer une lettre d’information à chaque salarié concerné par l’avantage supprimé (par lettre simple, LRAR, ou mail).
- Le respect d’un délai de prévenance: Entre la décision de l’employeur et la disparition de l’avantage, un délai de prévenance suffisant doit s’écouler. La suppression ne doit donc pas être trop soudaine.
Si cette procédure est respectée, l’employeur pourra mettre fin à l’usage.
S’il ne la respecte pas (partiellement ou totalement) l’usage doit rester en place, l’avantage octroyé quitte à ce qu’il soit dénoncé dans les formes l’année d’après (si octroi chaque année).
La qualification des droits des salariés peut apparaître compliquée pour les élus du personnel. Il est toutefois primordial de qualifier les droits de chacun. Ainsi, il sera plus aisé de déterminer le régime juridique applicable. En cas de besoin, n’hésitez pas à nous contacter!
Thomas Chevillotte, Juriste/Consultant expert CSE