L’Assemblée nationale rejette l’index séniors !

La fameuse réforme des retraites, introduite par le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, entendait introduire une nouvelle obligation à la charge des employeurs. Principalement, la publication d’un index séniors. Cette obligation portait sur le maintien dans l’emploi et l’emploi des salariés dits « séniors ». Ce mardi 14 février, l’Assemblée nationale a rejeté la mesure, la jugeant dépourvue d’utilité, de caractère contraignant ainsi qu’inadaptée à la réalité des PME.

Pour autant, cette disposition pourrait être réintroduite au cours de la navette parlementaire. Examinons-en les détails. 

 

 

Obligation non contraignante de prise en compte d’un objectif d’amélioration de l’embauche et du maintien dans l’emploi des séniors pour toutes les entreprises

Le texte impose d’abord la « prise en compte d’un objectif d’amélioration de l’embauche et du maintien dans l’emploi des séniors » par tous les employeurs dans l’élaboration de leurs politiques, peu important le nombre de salariés.

Un amendement avait dernièrement été adopté à l’Assemblée nationale afin de décrire les thèmes à intégrer à cet objectif :

  • le recrutement des salariés âgés dans l’entreprise ;
  • l’anticipation de l’évolution des carrières professionnelles ;
  • l’amélioration des conditions de travail et prévention des situations de pénibilité ;
  • le développement des compétences et des qualifications et accès à la formation ;
  • l’aménagement des fins de carrière et de la transition entre activité et retraite ;
  • la transmission des savoirs et des compétences et développement du tutorat.

Cette disposition fait écho à la consultation du CSE à propos de la Politique sociale, les conditions de travail et d’emploi.

Jusqu’à présent, à cet égard, l’employeur devait seulement présenter les actions de prévention et formation à destination des salariés les plus fragiles devant l’emploi. Parmi ces derniers, les salariés « séniors ». Ces actions doivent favoriser, non seulement leur emploi au sein de l’entreprise, mais également leur employabilité. Il s’agit donc non seulement de l’établissement d’une politique de recrutement leur étant favorable et l’adaptation de leurs compétences à l’activité de l’entreprise, mais aussi le développement des compétences en vue d’un potentiel retour sur le marché du travail. Pour autant, aucune sanction n’existe à cet égard.

L’article rejeté par l’Assemblée nationale n’y attache pas non plus de sanction… Voici alors une disposition dépourvue de caractère contraignant.

Aussi, cette ne visait a priori qu’à favoriser l’emploi des salariés dans l’entreprise et non en dehors… Certaines précisions relatives à l’étendue de l’obligation mériteraient d’être apportées.

Obligation de la publication d’un index sénior et de négociations dans les entreprises de plus de 300 salariés – une coquille vide ?

Les nouveaux articles L.5121-6 à 8 du Code du travail entreraient en vigueur :

  • au 1er novembre 2023 pour les entreprises de plus de 1000 salariés,
  • au 1er juillet 2024 pour les entreprises comprenant entre 300 et 999 salariés.

Il s’agit de publier des indicateurs relatifs à l’emploi des séniors ainsi qu’aux actions mises en œuvre pour favoriser leur emploi au sein de l’entreprise. Ainsi calcule-t-on l’index séniors. Cela participe alors de l’objectif d’amélioration de l’embauche et du maintien dans l’emploi des salariés âgés.

Un accord ou une convention de branche détermine lesdits indicateurs. A défaut d’un tel accord, il convient de se référer à un décret. Pour autant, de quelle marge de manœuvre bénéficieraient les négociateurs pour adapter les indicateurs ?

En cas de méconnaissance de l’obligation (de calcul ou de publication des indicateurs), l’Administration pourra prononcer une pénalité. Cette dernière fera l’objet d’une modulation en fonction de l’effort réalisé. Voilà donc une des modalités de contrôle du respect de cette obligation…

Par ailleurs, la thématique devient un thème obligatoire dans le cadre de la négociation de la GEPPMM. Cette négociation s’impose aux entreprises d’au moins 300 salariés, visées par l’obligation de publication de l’index.

Relevons pour autant que cette thématique de négociation n’est pas strictement obligatoire. En effet, un accord de méthode peut dispenser l’entreprise de négocier à ce propos… Quid alors des modalités de mise en place d’une telle politique ? Le dialogue social permet d’intégrer les partenaires sociaux dans l’exécution de l’obligation de prise en compte de l’objectif annoncé.

Aussi, la modulation de la pénalité à laquelle pourrait être soumis l’employeur tiendrait-elle compte des modalités d’exécution de l’obligation de prise en compte de l’objectif ? Pourrions-nous donc identifier une différence de traitement des entreprises pénalisées du fait de l’absence d’accord ?

 

Tant de questions sans réponses et de mesures dépourvues de caractère contraignant de l’index séniors qui expliquent le rejet de la mesure par l’Assemblée nationale… A suivre !

 

Fanny Jean, Juriste/Consultante experte CSE