La volonté claire et non équivoque de démissionner du salarié
Deux arrêts fraîchement rendus par la Cour de cassation nous permettent de faire le point sur la démission, aussi simple en apparence que technique dans ses effets sur la relation de travail.
Pour rappel, la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin à son contrat de travail.
Pour être considérée comme valable, la décision de démissionner doit être prise en pleine conscience et ne doit pas être susceptible d’être interprétée de plusieurs manières. En cas d’ambiguïté sur la volonté claire et non équivoque de démissionner du salarié, les conseils de prud’hommes peuvent requalifier la démission en licenciement injustifié et ainsi donner droit à une indemnisation au salarié.
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La démission du salarié ne se présume pas et doit résulter d’un acte positif de sa part
Dans une première décision du 21 octobre 2020, un salarié a vu son entreprise placée en liquidation judiciaire. Dans ce cadre, ce dernier a saisi la juridiction du travail pour que soient inscrites aux dettes de l’entreprise, diverses sommes (indemnités et des dommages et intérêts) que le salarié revendiquait suite à la rupture de son contrat de travail. Dans cette affaire, l’employeur soutenait que la rupture de la relation de travail était due à la démission du salarié. Cette démission était corroborée selon l’employeur, d’une part, par l’absence d’établissement d’un bulletin de salaire pour le mois ayant suivi ladite démission, et d’autre part, par la mention « démission » apposée à côté du nom du salarié dans le Registre unique des entrées et sorties du personnel de l’entreprise. Retenant ces preuves, les juges de la cour d’appel en avaient conclu que le contrat de travail avait été rompu par la démission du salarié.
La Chambre sociale a rejeté cette lecture des faits de la cour d’appel qui, d’après la Cour de cassation, n’a pas caractériser ici la volonté claire et non équivoque du salarié de mettre fin aux relations contractuelles. Par cette décision, la Cour de cassation rappelle que la démission ne se présume pas et ne peut résulter que d’une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail. Ainsi, la démission du salarié peut être écrite (lettre de démission) ou orale. Toutefois, on ne peut pas déduire du comportement du salarié sa volonté de démissionner, notamment lorsqu’il résulte d’émotions intenses (déception, colère, changement d’humeur…).
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La nécessité de distinguer abandon de poste et démission du salarié
Dans cette seconde affaire rapportée dans un arrêt du 25 novembre 2020, un salarié avait menacé de démissionner avant de cesser de se présenter à son poste de travail. De plus, alors que son employeur l’interrogeait sur sa présence à une réunion, le salarié a affirmé par SMS « ne compte pas sur moi ».
Par la suite, malgré plusieurs mails de relance, le salarié ne s’est plus jamais présenté à son poste de travail et ce sans fournir la moindre explication.
Estimant pourtant que son employeur avait cessé de lui fournir du travail, le salarié a intenté une procédure devant la juridiction prud’homale deux ans après les faits énoncés, afin d’obtenir la reconnaissance d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes.
A l’appui de ces éléments, la Cour d’appel avait qualifié la fin de la relation de travail de démission et ainsi rejeté les demandes du salarié.
La Chambre sociale a censuré la décision de la cour d’appel à qui elle reproche également de ne pas avoir caractérisé la volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner. La Cour de cassation rappelle alors sa position constante en la matière : une absence prolongée du salarié sans justification valable ou une absence de reprise du travail après un arrêt de travail ne peut pas permettre à l’employeur de considérer un salarié comme démissionnaire.
En somme, ni la cessation du travail du salarié ni son refus de participer à une réunion, même consécutifs à une simple menace de démissionner, ne suffisent à caractériser la volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner.
Il en découle de la même manière que l’absence de réaction, même prolongée, du salarié à la suppression de son salaire suite à son absence injustifiée ne permet pas de caractériser une volonté claire et non équivoque de démissionner.
Il appartient à l’employeur qui reproche au salarié la non tenue de son poste d’entamer une procédure de licenciement pour absence injustifiée ou abandon de poste.
Sources : Cass, Soc., 21 octobre 2020, 19-10.635, Inédit ; Cass, Soc., 25 novembre 2020, 19-12.447, Inédit
Marie-Antoinette Mavoungou, Juriste