La validité de la convention de forfait jours

La validité de la convention de forfait en jours

Le code du travail a instauré des dispositifs permettant de déroger à la durée du travail prévue par la loi ( 35 heures) ou par un accord collectif. Parmi ces dispositifs figure le recours aux conventions de forfaits en jours. Les textes encadrent strictement le recours à ce type de convention.

La mise en place du forfait en jours

Pour être valable les conditions applicables aux salariés soumis au forfait en jours doivent être fixées :

  • Par une convention ou un accord de branche
  • Par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement

De plus, chaque salarié devra individuellement conclure une convention individuelle de forfait en jours.

Tous les salariés d’une entreprise ne peuvent pas conclure ce type de convention. L’article L 3121-58 du code du travail réserve ce régime à deux catégories de salariés :

  1. « Les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;« 
  2. « Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.« 

Le régime légal du forfait en  jours

La convention va fixer un nombre de jours de travail dans l’année qui ne peut être supérieur à 218 jours.

Une fois la convention de forfait-jours mise en place, les salariés concernés ne seront plus soumis :

  1. A la durée quotidienne maximale de travail effectif prévue à l’article L. 3121-18 ;
  2. Aux durées hebdomadaires maximales de travail prévues aux articles L. 3121-20 et L. 3121-22 ;
  3. A la durée légale hebdomadaire prévue à l’article L. 3121-27.

Toutefois, ils continueront de bénéficier des garanties légales en matière de repos (11 heures consécutives entre deux jours de travail, 35 heures consécutives d’une semaine à l’autre).

L’employeur devra s’assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail (article L3121-60 du code du travail).

En contrepartie de la mise en place du forfait en jours le salarié va obtenir des jours de repos (RTT).

Le contrôle de la Cour de cassation sur la convention de forfait en jours

La Cour de cassation exerce un contrôle sur le respect des conditions que nous avons évoquées.

Dans un arrêt du 24 avril 2024, la Cour de cassation s’est prononcée sur la validité des dispositions relatives aux forfaits de jours dans la convention collective des cabinets d’avocats.

Dans cette affaire, une salariée contestait l’application de son forfait jours et réclamait le paiement d’heures supplémentaires.

La Cour de cassation rappelle que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.

Les dispositions de l’accord collectif des cabinets d’avocats concernant la charge de travail des salariés en forfait en jours

Le dispositif de l’accord collectif des cabinets d’avocats afin de contrôler la charge de travail des salariés était le suivant :

  • Le nombre de journées ou demi-journées de travail sera comptabilisé sur un document établi à la fin de l’année par l’avocat concerné et précisant le nombre de journées ou de demi-journées de repos pris
  • Il appartient aux salariés concernés de respecter les dispositions impératives ayant trait au repos quotidien et au repos hebdomadaire, le cabinet devant veiller au respect de ces obligations
  • La direction cherchera à faire un point chaque trimestre et à attirer l’attention des collaborateurs dont le suivi présente un solde créditeur ou débiteur trop important afin qu’ils fassent en sorte de régulariser la situation au cours du trimestre suivant
  • L’avocat doit organiser son travail pour ne pas dépasser onze heures journalières, sous réserve des contraintes horaires résultant notamment de l’exécution des missions d’intérêt public
  • Le nombre de journées ou de demi-journées de travail sera comptabilisé sur un document de contrôle établi à échéance régulière par l’avocat salarié concerné selon une procédure établie par l’employeur
  • L’avocat salarié bénéficie annuellement d’un entretien avec sa hiérarchie portant sur l’organisation du travail, sa charge de travail, l’amplitude de ses journées d’activité, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale et sa rémunération
  • L’employeur ou son représentant doit analyser les informations relatives au suivi des jours travaillés au moins une fois par semestre
  • L’avocat salarié pourra alerter sa hiérarchie s’il se trouve confronté à des difficultés auxquelles il estime ne pas arriver à faire face

La décision de la Cour de cassation 

La Cour de cassation a estimé que ces dispositions ne permettent pas à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail qui serait incompatible avec une durée raisonnable et ne garantissent pas que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables. La Cour de cassation considère que l’employeur n’assure pas la protection de la sécurité et de la santé des salariés  et prononce donc la nullité de la convention de forfait en jours découlant de l’accord collectif.

Le tribunal  a donc condamné l’employeur au versement d’heures supplémentaires à la salariée.

L’étude de la convention de forfaits-jours au sein de votre entreprise peut faire partie de la mission d’un expert dans le cadre de la consultation du CSE sur la politique sociale les conditions de travail et d’emploi. Il s’agit, en effet, d’un sujet relevant de l’analyse de la durée du travail (sujet faisant partie de cette consultation). En cas de besoin n’hésitez pas à nous contacter.

 

                                                                                                                                                                                                         Thomas Chevillotte, Juriste/Consultant expert CSE