La contestation de l’utilisation des heures de délégation par l’employeur
Les représentants du personnel, afin d’exercer leurs mandats, bénéficient d’heures de délégation. L’utilisation de ces heures est un enjeu majeur de l’exercice du mandat des représentants du personnel. Si leur utilisation est laissée à l’appréciation du représentant du personnel, il existe néanmoins des règles qu’il doit respecter. Dans un arrêt du 5 avril 2023, la Cour de cassation est venue préciser les modalités de contestation de l’utilisation des heures de délégation par l’employeur.
Les recours de l’employeur en contestation de l’utilisation des heures de délégation
Un représentant du personnel ne peut utiliser ses heures de délégation que pour exercer des missions liées à son mandat.
Selon l’article L2143-17 du code du travail, l’employeur qui entend contester l’utilisation des heures de délégation doit saisir le juge judiciaire.
Le code du travail ne précise pas les modalités de saisine du tribunal.
En cas de contestation de l’utilisation des heures de délégation par un élu du CSE l’employeur aura deux choix :
- Soit il décide de saisir directement le Conseil de prud’hommes qui jugera de la bonne utilisation des heures de délégation.
- Soit il pourra saisir la formation de référé du conseil de prud’hommes. Cette procédure a l’avantage d’être plus rapide. La formation des référés ne statue pas sur le fond de l’affaire.
L’article R1455-15 du code du travail défini les conditions pour recourir au référé prud’homal.
Il s’agit de « tous les cas d’urgence » qui ne se heurtent à « aucune contestation sérieuse ». La formation des référés est donc ce qu’on appelle un juge « de l’évidence ». Elle ne sera compétente qu’en l’absence de contestation juridique sérieuse de la partie adverse.
La limitation du recours au référé en cas de contestation relative à l’utilisation des heures de délégation
Dans un arrêt du 5 avril 2023, la Cour de cassation se prononce sur la procédure qui doit être mise en place, par l’employeur, en cas de contestation de l’utilisation des heures de délégation d’un élu du personnel.
En l’espèce, un salarié, élu du personnel, a été licencié par son employeur pour faute grave.
L’employeur saisi la formation de référé de la juridiction prud’homale afin de demander à l’élu de préciser les dates et heures de délégation et d’indiquer les activités exercées durant ses heures de délégation.
L’employeur demande, dans un second temps, au salarié de justifier les nécessités du mandat l’obligeant à utiliser l’intégralité de ses heures de délégation en dehors de son temps de travail.
L’action en référé afin d’obtenir des précisions sur l’utilisation des heures de délégation est recevable
La Cour de cassation rend une décision sur deux ces points.
Elle estime que l’employeur, qui a payé les heures de délégation, est en droit de demander devant la formation de référé les dates, heures et activités exercées dans le cadre de son crédit d’heures de délégation. Elle considère, en l’espèce, que le salarié n’a pas indiqué précisément les activités exercées durant ses heures de délégation,
La Cour de cassation estime donc que cette obligation d’indication de l’utilisation des heures de délégation n’est pas sérieusement contestable. Elle autorise donc le recours au référé.
L’irrecevabilité du référé afin de demander la justification de l’utilisation des heures de délégation en dehors du temps de travail
La Cour de cassation rappelle que le salarié doit rapporter la preuve des nécessités du mandat l’obligeant à utiliser ses heures de délégation en dehors de son temps de travail. Néanmoins, l’employeur ne peut saisir le juge des référés pour obtenir la justification par le salarié de ces nécessités.
Si l’employeur souhaite obtenir cette justification il devra saisir directement le Conseil de prud’hommes.
Au-delà de la question de la juridiction compétente en la matière cet arrêt nous permet de vous rappeler l’importance que peut avoir la tenue d’un véritable suivi individuel sur l’utilisation de vos heures de délégation. Il est important pour un élu de pouvoir indiquer à son employeur les activités exercées de manière précise, par date et heure, à défaut d’une justification suffisante le juge pourrait condamner un élu du CSE à rembourser les heures de délégation en question.
Il convient de rappeler, toutefois, qu’aucun contrôle ne peut avoir lieu avant que les heures de délégation ne soient payées par l’employeur.
Thomas Chevillotte, Juriste/Consultant expert CSE