Comment le Gouvernement entend assouplir les règles du licenciement économique

Voilà, c’est fait. Depuis le 2 août dernier, le Gouvernement est habilité à réformer des zones nerveuses du droit du travail par voie d’ordonnance.

Précisons que la promulgation de la loi qui autorise l’exécutif à prescrire les règles du droit du travail est retardée par une saisine du Conseil constitutionnel.

Sous cette réserve, nous consacrons ces lignes au volet traitant du licenciement économique, dont le régime est voué à connaître encore d’importants bouleversements.  

La modification vise à assouplir, à sécuriser la décision de licencier pour motif économique à travers deux prismes essentiels  : le niveau géographique d’appréciation des difficultés économiques et l’obligation de reclassement.

Les difficultés économiques s’apprécieront au niveau national

Depuis le 1er décembre 2016, nous avions une nouvelle définition du licenciement économique, fixée par la loi Travail.

Cette même loi qui, sous la pression organisations syndicales excluait l’idée de limiter au territoire national le périmètre d’appréciation par les juges de la réalité des difficultés économiques.   

Cette disposition est aujourd’hui au menu des ordonnances qui sont sur le rail.  

En l’état actuel du droit et suivant une jurisprudence constante, les restructurations requises par les difficultés économiques s’apprécient dans les groupes de sociétés au niveau du secteur d’activité du groupe et en considérant les sociétés situées en dehors du territoire français. Autrement dit, pour les groupes, le contrôle de la réalité des difficultés s’apprécient dans un périmètre étendu, incluant l’étranger.

Le Gouvernement considère que ce régime juridique est contraignant et susceptible de dissuader les investisseurs étrangers à s’implanter en France.

L’ambition vise ainsi à restreindre le niveau géographique d’appréciation de la cause économique des licenciements.

Concrètement, les difficultés économiques d’un groupe s’apprécieront au niveau des entreprises qui relèvent du même groupe, implanté sur le territoire national et appartenant au même secteur d’activité.

Ce qui aurait pour potentielle conséquence de limiter le pouvoir du juge à connaître l’état de santé financière au niveau du groupe puisque cantonné au niveau national.

En contrepartie, le Gouvernement promet d’instaurer des garde-fous pour prévenir ou à tirer les conséquences de la création artificielle des difficultés économiques visant uniquement à supprimer des emplois.  

Mais l’organisation de l’insolvabilité d’une entreprise reste difficile à démontrer.

Les obligations de reclassement seront allégées

Selon une jurisprudence constante, les offres de reclassement doivent non seulement être écrites, mais aussi « précises, concrètes, personnalisées et adaptées aux compétences et aux capacités de chaque salariés »

Depuis le célèbre arrêt Vidéocolor rendu par la Haute juridiction le 5 avril 1995, l’employeur était non seulement tenu de proposer des offres de reclassement au niveau national mais aussi à l’étranger, dans toutes les filiales.

Vingt ans plus tard, la loi Macron d’août 2015 a mis fin à cette obligation, jugée inappropriée et chronophage pour les entreprises.  

Ainsi, l’article L.1233-4 issu de la loi Macron pose les contours de l’obligation de reclassement, et modifie ainsi la répartition des rôles.  : « le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles situés sur le territoire national, dans l’entreprise, ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie. Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’un rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure ».

L’alinéa 1 du même article précise : « Lorsque l’entreprise, ou le groupe dont l’entreprise fait partie, comporte des établissements en dehors du territoire national, le salarié dont le licenciement est envisagé peut demander à l’employeur de recevoir des offres de reclassement dans ces établissements. Dans sa demande, il précise les restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. L’employeur transmet les offres correspondantes au salariés ayant manifesté sont intérêt. Ces offres sont écrites et précises.

Le salarié est ainsi responsabilisé, c’est à lui que revient la charge de demander à recevoir des offres d’emplois à l’étranger et non plus à l’employeur de rechercher dans tous les pays un poste correspondant au profil du salarié.

L’allègement de l’obligation de reclassement, pour savoir si l’employeur à satisfait ou non à son obligation se matérialiserait par la possibilité de permettre aux employeurs de donner accès aux offres de reclassements de manière collective sur l’intranet. Ce qui aurait pour effet d’anéantir le principe jurisprudentiel selon lequel la validité de l’offre de reclassement est subordonnée à sa personnalisation.

 

Par ailleurs, les plans de départs volontaires seront favorisés, les critères d’ordre des licenciements posés et les catégories professionnelles seraient redéfinies par des mesures qui restent à être développées dans les ordonnances attendues.

Source : projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnance les mesures pour le renforcement du dialogue social du 2 août 2017

 

Maria Daouki, juriste