Subtilité juridique, la distinction entre faute lourde et faute grave continue d’occuper la plus haute juridiction de France.

Par un arrêt rendu le 8 février 2017 (n° 15-21064, publié au bulletin), la Cour de cassation rappelle sa position relativement constante en matière de faute lourde, dont elle prend soin de limiter le champs, et sa distinction avec la faute grave.

Justifiant toutes deux le licenciement d’un salarié dont les actes revêtent une gravité telle que son maintien dans l’entreprise est devenu impossible pour son employeur, leur caractérisation par l’employeur diffère nettement.

La faute grave est celle rendant impossible le maintien du salarié l’ayant commise dans l’entreprise, là où la faute lourde est celle qui, en plus de cette caractéristique, est commise par un salarié ayant eu l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise.

Si ces deux qualifications emportent les mêmes effets privatifs d’indemnités de rupture pour le salarié licencié, elles n’emportent pas les mêmes conséquences civiles.

En effet, la faute lourde à cela de particulier qu’elle est la seule à permettre à l’employeur d’obtenir réparation du préjudice spécifique causé par le salarié malintentionné.

Autrement dit, elle peut servir de fondement à une action de l’employeur en dommages et intérêt à l’encontre du salarié intéressé.

Dès lors, pour retenir la qualification de faute lourde les juges du fond doivent veiller à ce que l’employeur fasse la démonstration non seulement que le salarié à causé un préjudice à l’entreprise mais bien au-delà démontrer que celui-ci en avait bien la volonté.

C’est cette intention malveillante qui, manquante dans les faits de l’espèce ici commentée, va conduire la plus haute juridiction à censurer l’arrêt d’appel qui retenait une faute lourde là où n’étaient caractérisés que les éléments dessinant une faute grave.

En effet, en retenant qu’un expert-comptable directeur d’agence, alors licencié, avait commis une faute lourde, en dénigrant la politique tarifaire pratiquée par son employeur (faute rendant impossible son maintien dans l’entreprise), et ce, du seul fait qu’il ne pouvait ignorer l’impact de ses propos et leur caractère préjudiciable pour l’entreprise (assimilé à l’intention de nuire), la Cour d’appel ne caractérise en fait pas la volonté malveillante propre à permettre la qualification de faute lourde.

Notons cependant qu’ayant caractérisé les éléments constitutifs d’une faute grave l’arrêt d’appel ne souffre pas d’une cassation plénière, intégrale.

A ce titre, les hauts magistrats retiennent comme justifié le rejet en appel des demandes en paiement des salaires, congés payés, indemnités compensatrice de préavis et de licenciement du salarié, conséquences de la faute grave.

Il reviendra donc au juge saisi de l’affaire renvoyée en appel de requalifier « à la baisse » la faute en faute grave, situation impossible à l’inverse c’est-à-dire lorsqu’en appel l’employeur ce sera limité à une qualification en faute grave alors que les éléments conduisent à une qualification plus lourde.

 

Frédéric ROUGON, Juriste

 

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