Exception à la consultation du CSE dans le cadre de l’obligation de reclassement pour inaptitude

Le 8 juin 2022, la Chambre sociale 1 s’est prononcée sur une question portant sur la consultation du CSE dans le cadre de l’obligation de reclassement d’un salarié déclaré inapte. Elle rappelle qu’il existe une exception à cette consultation obligatoire des représentants du personnel par l’employeur.

 

 

La notion d’inaptitude

Le médecin du travail prononce une inaptitude dès lors que l’état de santé d’un salarié, physique ou mental, n’est plus compatible avec le poste qu’il occupe. Il ne la prononce qu’après avoir :

  • échangé avec le salarié et l’employeur, et procédé à une étude de poste ;
  • constaté qu’aucune mesure d’aménagement, adaptation ou transformation du poste de travail n’est possible 2.

Dans les faits ayant donné lieu à l’arrêt étudié, la salariée est déclarée inapte consécutivement à un accident du travail 3. Il s’agit d’un événement soudain et imprévu survenu à l’occasion du travail et ayant causé un dommage physique et/ou psychologique.

Pour autant, l’inaptitude peut également survenir après :

    • une maladie ou un accident non professionnel 4 ;
    • une maladie professionnelle.

 

L’obligation de reclassement pesant sur l’employeur

En principe, dès lors que le médecin du travail déclare l’inaptitude, l’employeur doit tenter un reclassement du salarié.

Il s’agit d’une obligation posée par l’article L.1226-10 du Code du travail. Elle doit satisfaire à certaines conditions.

Ainsi l’emploi proposé doit-il être :

  • en adéquation avec les capacités du salarié ;
  • aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé ;
  • si besoin est, objet de mesures comme des mutations, aménagements, adaptations ou transformations, mais encore aménagé en termes de temps de travail ;
  • disponible au sein de l’entreprise ou du groupe auquel elle appartient sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation du personnel.

Par ailleurs, l’employeur doit prendre en compte :

  1. Les conclusions écrites du médecin du travail ;
  2. Les indications formulées par le médecin du travail. Ces indications concernent les tâches pouvant être occupées par le salarié ou les formations pouvant être suivies par lui ;
  3. L’avis du CSE.

L’employeur doit donc consulter le CSE après la déclaration d’inaptitude établie. Le CSE à consulter est celui de l’établissement dont le salarié dépend, le cas échéant. Ainsi doit-il transmettre toutes les informations nécessaires aux élus afin qu’ils puissent rendre un avis éclairé : conclusions et indications du médecin, postes envisagés, ou tout autre élément. L’avis est rendu et un procès-verbal de réunion le formalise. Toutefois, cet avis ne lie pas l’employeur, étant simplement consultatif.

L’obligation de reclassement est donc réputée satisfaite, quand bien même le salarié refuserait le poste proposé.

 

L’échec du reclassement

Cependant, ce reclassement peut s’avérer être un échec 5 si :

  • l’employeur justifie de l’impossibilité de proposer un emploi tel que décrit ci-dessus ;
  • le salarié refuse l’emploi proposé.

Dans ces cas, et seulement après avoir satisfait à son obligation de reclassement ayant échoué, l’employeur peut licencier son salarié pour inaptitude.

 

Exception à l’obligation de reclassement

Il arrive que l’inaptitude soit telle que « tout maintien du salarié dans l’emploi« , même sur un autre poste, peut être « gravement préjudiciable à sa santé«  ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi » 6.

Dans ce cas, c’est l’avis du médecin du travail qui le mentionne expressément. Il s’agit d’un cas de dispense de l’obligation de reclassement.

La salariée licenciée pour inaptitude, dans les faits de l’arrêt étudié, reprochait à l’employeur de ne pas avoir consulté les IRP. Cependant, s’agissant d’une obligation accessoire à l’obligation principale consistant en la recherche de reclassement de laquelle on a dispensé l’employeur, ce dernier n’y est pas soumis. En effet, l’avis du CSE ne porte que sur l’exécution de cette obligation de recherche de reclassement.

La décision de la Cour de cassation va dans ce sens.

En revanche, si l’impossibilité du reclassement était due à l’échec dans la recherche du poste de reclassement, l’employeur devrait tout de même consulter le CSE afin qu’il se prononce sur les recherches et leur issue.

A défaut, le licenciement prononcé en l’absence de consultation du CSE entraînerait :

  • la réintégration du salarié dans l’entreprise ou, à défaut, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois 7 ;
  • la commission d’un délit d’entrave par l’employeur, ayant privé le CSE de l’exercice de ses prérogatives consultatives.

 

Fanny Jean, Juriste/Consultante experte CSE

 

  1. Chambre sociale, Cour de cassation, 8 juin 2022 ;
  2. Sur le constat de l’inaptitude : article L.4264-4 du Code du travail ;
  3. Code de la sécurité sociale, articles L.411-1 et L.411-2 ;
  4. Articles L.1226-2 à L.1226-4-3 du Code du travail ;
  5. Alinéa 2 de l’article L.1226-12 du Code du travail ;
  6. Alinéa 2 in fine de l’article précité ;
  7. Article L.1226-15 du Code du travail.