Établissements distincts et droit d’alerte économique

La Chambre sociale n’a décidément pas terminé de se prononcer sur la question du partage des prérogatives du CSE entre CSE central (CSEC) et CSE d’établissement (CSEE). Ainsi, il y a quelques jours a-t-elle pu se prononcer à propos de cette problématique concernant le droit d’alerte économique 1.

Qu’est-ce que le droit d’alerte économique ?

L’article L.2312-63 du Code du travail présente le droit d’alerte économique du CSE.

Dès lors que le CSE a connaissance de « faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise », il peut :

  • inscrire à l’ordre du jour de la prochaine réunion une demande d’explications à l’employeur ;
  • à défaut d’une réponse satisfaisante, établir un rapport ;
  • éventuellement désigner un expert-comptable afin de l’assister dans le cadre de l’exercice de son droit d’alerte.

Ces faits préoccupants peuvent être constitués par l’évocation d’une situation économique instable, d’une contraction d’effectifs, ou d’une cessation d’activité.

Le rapport a pour finalité d’alerter l’employeur et le commissaire aux comptes, le cas échéant. L’alerte porte sur des situations économiques pouvant entraver l’activité et donc l’emploi au sein de l’entreprise.

Dans les faits de l’affaire, un CSEE met en œuvre la procédure d’alerte après avoir eu connaissance d’un éventuelle fermeture de l’établissement du fait d’une réorganisation de l’activité. En effet, l’employeur a consulté le CSEC ainsi que les CSEE en vue de celle-ci.

Le CSEC désigne ensuite un expert pour l’assister dans le cadre d’un licenciement économique (article L.1233-34 du Code du travail).

Un des CSEE, en revanche, désigne un expert-comptable dans le cadre de la procédure d’alerte économique (article L.2312-64 du Code du travail).

 

Un droit réservé au CSE central

Ce faisant, l’employeur assigne le CSEE en annulation de la délibération désignant l’expert.

En effet, l’on sait que le CSEC « exerce les attributions qui concernent la marche générale de l’entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d’établissement ». Le droit d’alerte, qui concerne l’entreprise dans son ensemble, semble donc être une prérogative appartenant au seul CSEC.

Il est permis, pour autant, d’en douter : un CSEC qui n’agit pas ne pourrait-il pas laisser place à l’action du CSEE ? A plus forte raison lorsque l’activité menacée est précisément celle de l’établissement !

Ce n’est pas ce que décide la Cour de cassation : elle considère que seul le CSEC peut exercer un droit d’alerte économique. Ce, quand bien même le CSEE prouverait les faits susceptibles de porter atteinte de manière préoccupante à la situation économique de l’entreprise, et plus particulièrement de l’établissement qu’il représente.

 

Fanny Jean, Juriste/Consultante experte CSE

 

  1. Chambre sociale, Cour de cassation, 15 juin 2022