Égalité de traitement et établissements multiples : évolution de jurisprudence

sunrise over the earth À la question de savoir si les différences de traitement instituées par accord d’établissement entre salariés de la même entreprise mais appartenant à des établissements distincts sont présumées justifiées, la Cour de Cassation répond par l’affirmative, entérinant ainsi son revirement engagé en janvier 2015. Depuis cette date, la chambre sociale confère une présomption de justification des différences de traitement lorsque celles-ci sont opérées par voie conventionnelle.

L’affaire : un accord d’établissement plus avantageux que les autres

Dans l’affaire qui nous intéresse, un accord conclu au niveau d’un établissement prévoyait une augmentation salariale sur trois ans accompagnée d’une prime spécifique au bénéfice des seuls salariés de l’établissement.
Considérant que cet accord instaurait une différence de traitement au détriment des salariés d’un autre établissement, une organisation syndicale a intenté une action en justice tendant à faire appliquer le bénéfice de l’accord litigieux auxdits salariés.
En appel, le syndicat est débouté de ses prétentions.
Les juges considèrent que l’accord d’établissement ayant vocation à s’appliquer à l’intérieur dudit établissement, il peut à ce titre avantager les salariés relevant de ce périmètre.
Débouté en appel, le syndicat forme un pourvoi en cassation.

La chambre sociale retient ainsi la présomption de justification des différences de traitement lorsqu’elles sont instituées par voie conventionnelle et conforte la chambre social  : les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d’accords d’établissement négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de ces établissements, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l’établissement et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toutes considération de nature professionnelle ».

Ce que nous retenons : situation différente, traitement différent ou l’exclusion du cercle des égaux

Nous retiendrons de cet important arrêt les points marquant une évolution jurisprudentielle significative :

  • Les différences de traitement instituées par voie conventionnelle sont présumées justifiées ;
  • L’accord d’établissement ayant vocation à s’appliquer exclusivement au niveau de l’établissement, les autres salariés de l’entreprise n’ont pas lieu d’en bénéficier ;
  • Un accord d’établissement peut donc instituer un régime plus favorable que l’existant au niveau de l’entreprise ;
  • Pour faire reconnaître une rupture d’égalité de traitement entre salariés relevant de la même entreprise mais appartenant à un établissement différent, il faut démontrer que lesdites différences sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

Nous attendons avec intérêt la position de la chambre sociale concernant le fait de savoir si un accord conclu au niveau de l’entreprise instituant une différence de traitement entre salariés d’établissement distinct bénéficierait de la même présomption de justification.

Maria DAOUKI, Juriste

Source : CS, 3 novembre 2016, n°15-18.844