Les éclairages inédits de la Cour de cassation sur la parité entre les femmes et les hommes

Depuis la loi du 17 août 2015 (n° 2015-994), entrée en vigueur le 1er janvier 2017, les organisations syndicales ont l’obligation de faire figurer sur leurs listes de candidats un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la proportion des femmes et des hommes inscrits sur la liste électorale (composant ainsi chacune des catégories professionnelles représentées dans l’entreprise), les listes devant, en outre, être composées alternativement d’un candidat de chaque sexe, afin de garantir la présentation de candidats du sexe sous-représenté en position éligible.

Les ordonnances « Macron » ont rectifié les failles de ce dispositif.

 

Dans un arrêt du 9 mai 2018 (n°17-14.088), la Haute juridiction se prononce pour la première fois sur l’application de ces nouvelles dispositions et sur les limitations apportées à la liberté des syndicats dans la constitution de leurs listes aux élections professionnelles. 

En cas de pluralité de sièges à pourvoir plusieurs candidats doivent être présentés

 Dans l’affaire qui nous intéresse, un syndicat avait déposé, lors de l’élection d’une Délégation Unique du Personnel (DUP), une liste ne comportant qu’un seul candidat, de sexe masculin, alors que ce collège était composé de 77 % de femmes et de 23 % d’hommes et que deux sièges étaient à pourvoir.

L’employeur avait saisi le tribunal d’instance afin d’obtenir l’annulation de l’élection de ce candidat.

Le tribunal rejette alors la demande au motif que l’obligation pour les listes d’être représentatives du nombre de femmes et d’hommes au sein d’un collège ne s’appliquait qu’aux listes comportant plusieurs candidats.

La Cour de cassation censure ce raisonnement au motif que les listes présentées doivent être conformes aux exigences de parité femmes/hommes. En l’espèce, deux sièges étant à pourvoir, les organisations syndicales devaient présenter deux candidats, une femme et un homme, ce dernier au titre du sexe sous-représenté dans le collège considéré, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 19 janvier 2018 (n° 2017-686), aux termes de laquelle la règle dite « de l’arrondi » (dont l’application aurait conduit à ce qu’aucun homme ne soit élu dans ce collège, dès lors que la résultante du calcul prescrit par les textes – 2×23/100=0,46 – excluait toute représentation du sexe masculin) ne peut faire « obstacle à ce que les listes de candidats puissent comporter un candidat du sexe sous-représenté dans le collège électoral ».

La Cour rajoute que la mixité ne peut s’appliquer qu’aux listes comportant plusieurs candidats et donc a contrario dès lors qu’il y a plusieurs sièges à pourvoir dans un collège mixte, il n’est pas possible de présenter des candidatures individuelles.

Le non-respect de présentation alternée des candidats n’entraîne pas nécessairement l’annulation de l’élection

Un second arrêt du 9 mai 2018 (n° 17-60. 133) nous apporte des précisions inédites. En l’espèce, un syndicat demandait l’annulation de l’élection (DUP) d’une femme en qualité de suppléante. Il soutenait que cette dernière figurait en deuxième position sur la liste et que, en application de la règle légale d’alternance des candidats femmes et hommes, le candidat de sexe masculin aurait dû figurer en deuxième position. L’employeur, s’appuyant sur le fait que le protocole d’accord préélectoral avait été signé à l’unanimité des syndicats invités à sa négociation, contestait la recevabilité de cette demande.

Un protocole préélectoral ne saurait déroger à la règle de l’alternance, l’exigence de parité sur les listes de candidats étant d’ordre public absolu.

Ainsi en principe le non-respect de la règle de l’alternance entraîne l’annulation de l’élection de tout élu dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions. Le juge dégage néanmoins une exception sous réserve de la réunion de deux conditions :

1°        que la liste corresponde à la proportion de femmes et d’hommes au sein du collège concerné ;

2°        et que tous les candidats de la liste aient été élus.

A noter : les solutions retenues dans les arrêts du 9 mai 2018 sont transposables à la nouvelle instance, instaurée par l’ordonnance du 22 septembre 2017, le CSE.

 

                                                                                                                                          Lilas LAHMIDANI, Juriste

 

Sources :