Diriger, c’est informer…sur au moins 3 ans !
C’est ce que réaffirme en substance et sans ambages le TGI de Nanterre dans sa décision du 11 janvier 2017, interrogé sur l’étendue de l’obligation d’information du CE.
Dans l’affaire qui nous occupe, un Comité d’entreprise intente une action à l’encontre de l’employeur auquel il reproche d’avoir manqué à son obligation d’information prévisionnelle sur 3 ans.
Ce grief s’inscrit dans le cadre de la consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise dont la consultation est, faut-il le rappeler, obligatoire depuis le 15 juin 2013.
En l’espèce, le CE relève que la note transmise se limite à retranscrire des tableaux sommaires, très synthétiques qui ne lui permettent de comprendre les moyens envisagés par l’entreprise pour mettre en œuvre la stratégie projetée. En outre, le CE relève que le volet social des orientations stratégiques paraît insuffisamment traité.
Le CE souligne que l’employeur est tenu de présenter les conséquences attendues sur l’évolution de l’emploi et des qualifications, l’organisation du travail ou encore des métiers, pour ne reprendre que l’essentiel dudit volet.
Les juges du fond accueillent favorablement les prétentions du CE en ordonnant à l’employeur, sous astreinte, à communiquer au CE les données prévisionnelles à trois ans pour chacune des rubriques de la BDES.
Cette solution dégagée par le TGI de Nanterre en 2017 a le mérite de souligner l’importance de la consultation sur les orientations stratégiques mais aussi de conforter celui du support de cette consultation, la BDES.
Née de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, cette consultation a pour objet de permettre aux intéressés d’avoir une vision rétrospective, actuelle mais surtout prospective de la stratégie projetée mais souvent adoptée par l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance. Elle couvre ainsi une période de six années, à savoir les deux années précédentes, l’année en cours et les prévisions pour les trois années à venir.
L’essence de cette consultation réside dans le fait de permettre aux partenaires sociaux d’être aussi bien informé qu’associé à la gestion, nécessairement anticipative de l’entreprise. L’idée étant de prévenir à froid les difficultés en amont afin de ne pas réagir à chaud en aval. Sans être dans une logique de co-gestion, le comité d’entreprise est invité à participer dans une certaine mesure à la gestion de l’entreprise.
Néanmoins, cette consultation soulève de nombreuses interrogations. D’une part, si le législateur n’impose pas la formalisation d’une stratégie, il exige que soient présentées de « grandes tendances » parfois difficilement lisibles et d’autre part, souvent difficiles à permettre la qualification d’orientations stratégiques.
S’il est acquis que la consultation a lieu avant la décision, faute de quoi il s’agit d’une information et non d’une consultation sur les orientations stratégiques, il n’en demeure pas moins qu’en pratique, il est plutôt question de mettre en œuvre une décision stratégique soumise à consultation plutôt que de la concevoir en étroite association avec les principaux acteurs (direction des ressources humaines, financières et élus du CE)
La loi dispose que l’employeur qui n’est pas en mesure de communiquer des données chiffrées concernant les prévisions pour les trois années à venir, doit néanmoins fournir des grandes tendances de cette stratégie.
La « navette » entre l’organe chargée de l’administration ou de la surveillance et le CE devrait être intéressante à surveiller pour apprécier l’impact de cette consultation, dont les intéressés ont tout intérêt à s’y intéresser.
Maria Daouki, juriste
TGI Nanterre, 11 janvier 2017, n°11/00057//TGI Créteil, 7 avril 2014, n1 4/00318