Délais de consultation du CE, les hauts magistrats statuent et clarifient

young woman lawyer at work Rappelons-le, consulté dans le cadre de ses attributions économiques, le Comité d’Entreprise (CE) est tenu de rendre son avis dans le respect d’un délai préfix à l’expiration duquel il est réputé avoir rendu un avis négatif.

Hors la conclusion d’un accord avec l’employeur ou disposition légale particulière, ce délai est :

  • En principe d’1 mois ;
  • Porté à 2 mois en cas de désignation d’un expert comptable l’accompagnant ;
  • Porté à 3 mois en cas de  saisine d’un ou plusieurs CHSCT ;
  • Porté à 4 mois en présence d’une instance de coordination des CHSCT, lorsqu’ils sont multiples (art. R.2323-1-1 du Code du travail).

Par ailleurs, lorsque les membres du CE estiment ne pas disposer des éléments suffisants pour rendre un avis éclairé, ceux-ci peuvent saisir le président du TGI, statuant en la forme des référés sous 8 jours, aux fins qu’il ordonne la communication des éléments manquants à leur bonne information.

Si cette saisine n’a pas pour effet de rallonger le délai dont disposent les membres du CE, le juge peut l’accorder, en présence de difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation dudit avis (art. L.2323-4 du Code du travail).

Ainsi par deux arrêts rendus le 21 septembre 2016 (l‘un concernant la Banque des Antilles françaises, Cass. soc. n°15-19003, l’autre la société GDF Suez, Cass. soc. n°15-13363, tous deux publiés), les hauts magistrats précisent les modalités d’application des dispositions de la loi n° 2015-994 relative au dialogue social (Loi « Rebsamen »).

I. Sur le point de départ des délais

Ils courts à compter de la communication des informations par l’employeur au CE ou de l’information par l’employeur de leur mise à disposition sur la base de données économiques et sociales (BDES) en vertu de l’article R.2323-1 du Code du travail.
Pour autant, le Code ne fournit aucune liste exhaustive de ces informations lorsque que le CE est consulté sur un projet.
A raison, lesdits projets étant aussi variés que le sont les directions des entreprises qui les définissent.

La Cour de cassation confirmant la position souveraine des juges du fond précise que ce délai court à compter de la date à laquelle le comité
« était en mesure d’apprécier l’importance de l’opération envisagée et de saisir le président du tribunal de grande instance s’il estimait que l’information communiquée était insuffisante ».

Dès lors, si l’absence ou l’infime quantité d’informations sincères et utiles transmises au CE ne devrait pas faire courir de délai, la simple insuffisance de l’information sur le projet n’empêche pas la course du temps au sens des hauts magistrats.

Les termes de la loi, qui octroie au juge le pouvoir de prolonger ces délais en cas de difficultés particulières d’accès à l’information, ne sont pas dévoyés puisque s’il peut les prolonger en cas d’information insuffisante, c’est que ces délais courent effectivement.

II. Sur la faculté de prolonger les délais par l’organisation d’une réunion du CE elle-même hors délai

Elle n’est, selon la Cour, pas de nature à être assimilée à un accord conclu sur la question des délais de consultation du CE tel que prévu par les articles L.2323-3 et R.2323-1 du Code du travail.

Depuis le 1er janvier 2016, seul un accord conclu entre l’employeur et le délégué syndical, ou à défaut d’un tel délégué, entre l’employeur et la majorité des membres titulaires élus du CE peut permettre un allongement des délais en la matière.

III. Sur la saisine du juge

Les hauts magistrats tiennent une position ferme, le CE ne peut pas saisir le juge après expiration du délai s’appliquant à sa consultation.

Au-delà, ils précisent que le juge régulièrement saisi doit statuer sur lesdits délais avant leur expiration.

Dès lors, afin d’échapper aux délais propres à la saisine du juge en la forme ordinaire des référés (art. 485 du Code de procédure civile), pouvant donner lieu à un écoulement supplémentaire du temps allant de 8 à 15 jours, Nathalie Sabotier, conseiller référendaire, a pu pertinemment relever que le CE concerné doit avoir recours aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article précité, exigeant que le cas « requiert célérité » et permettant d’obtenir du juge qu’il assigne à heure indiquée, même les jours fériés ou chômés.

L’objectif étant d’obtenir une première audience avant expiration du délai.

Il serait alors, selon les travaux parlementaires, loisible au juge ainsi saisi d’ordonner, à titre de mesure provisoire et avant dire droit (jugement rendu à titre provisoire), la prolongation du délai jusqu’à la décision (Rencontre de la chambre sociale 2014 table ronde n°3 – Fonctionnement des institutions représentatives du personnel, intervention de Mme Nathalie Sabotier).

Frédéric ROUGON, Juriste

Sources :