Manquement à l’obligation de reclassement et à celle de motiver la lettre de licenciement, pas de cumul des sanctions pour l’employeur

Par deux arrêts rendus le 23 mai 2017 (n°16-10580, publié au bulletin de la Cour, et n°16-10156), la Cour de cassation saisie l’opportunité de préciser sa position quant au cumul des sanctions éventuellement prononcées à l’encontre de l’employeur manquant à ses obligations lorsque, prononçant le licenciement d’un salarié déclaré inapte physiquement à son poste de travail, il omet les règles relatives à son reclassement.

 

 

 

 

Le premier arrêt ici commenté (n°16-10580) est ainsi l’occasion pour la haute juridiction de rappeler que le défaut de mention, sur la lettre de licenciement dont le salarié déclaré inapte est destinataire, à la fois de son inaptitude – en l’occurrence physique – et de l’impossibilité de reclassement, donne lieu à requalification du licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 9 avril 2008, n° 07-40356, publié)

La lettre fixant les limites du litige dont est par la suite saisi le juge, il importe peu que l’employeur fasse par la suite la parfaite démonstration des efforts qu’il aura fournis en vue de rechercher effectivement un reclassement pour le salarié.

Dès lors, est abusif le licenciement prononcé en irrespect de cette formalité et donne lieu aux sanctions prévues par les articles L.1235-3 et L.1235-5 du Code du travail :

–  Soit à l’octroi au salarié lésé d’une indemnité calculée en fonction du préjudice qu’il subi dès lors qu’il compte 2 ans d’ancienneté ou travaille dans une entreprise de moins de 11 salariés ;

–  Dans les autres cas, le juge saisi dispose de la faculté d’ordonner sa réintégration ou de condamner l’employeur fautif au versement d’une indemnité d’un montant au moins égal à 6 mois de salaire.

A noter : depuis le 19 août 2015, pour un cas d’inaptitude d’origine professionnelle, et depuis le 1er janvier2017, pour un cas d’inaptitude résultant d’une maladie ou d’un accident non professionnel, le médecin du travail peut, à certaines conditions, dispenser l’employeur de son obligation de rechercher un reclassement. Il semble cependant nécessaire que ce dernier reprenne expressément, dans la lettre de licenciement, les motifs et termes utilisés par ledit médecin du travail dans son avis d’inaptitude physique afin de sécuriser la procédure.

 

Le second arrêt (n°16-10156) tranche le cas dans lequel l’employeur aura commis deux irrégularités de fond distinctes, toutes deux de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse :

–  D’abord, ce dernier n’avait pas régulièrement consulté les délégués du personnel (DP) sur les possibilités de reclassement du salarié concerné ; 

Méconnaissance grave d’une règle substantielle de procédure, cette omission en application de l’article L. 1226-15 du Code du travail entraine l’octroi, à défaut de la réintégration du salarié lésé, d’une indemnité dont le montant est au moins égal à 12 mois de salarié sans condition d’ancienneté ni d’effectif.

–  Ensuite, la lettre de licenciement, comme dans le premier arrêt ici commenté, ne faisait aucune référence à l’impossibilité de reclassement du salarié concerné  

Comme vu plus haut, une telle négligence donne droit en principe à l’octroi de l’indemnité prévue pour licenciement abusif. 

Pour rappel, la Cour de cassation avait déjà pu préciser que l’indemnité prévu à l’article L.1226-15 précité avait vocation à couvrir l’intégralité des préjudices subis par le salarié licencié en cas de cumul de manquements par l’employeur (notamment, Cass. soc., 16 décembre 2010, n° 09-67446) et que celle-ci ne s’ajoutait alors pas à celle prévue en cas d’irrégularité de procédure de licenciement (Cass. soc., 15 décembre 2006, n° 05-42532, publié au bulletin de la Cour).

Les hauts magistrats précisent ainsi clairement que le cumul de la première n’est aucunement possible avec celle prévue en cas de licenciement jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse.

D’aucuns ici rappelleront l’adage « specialia generalibus derogant » – les règles spéciales dérogent aux générales – et, dès lors, l’importance de veiller pour la partie lésée aux moyens soutenant sa demande juridictionnelle.

Frédéric Rougon, Juriste

Sources :