Le recours à l’expert par le CSE dans le cadre de la consultation sur un PSE en procédure collective

Le droit des procédures collectives traduit traditionnellement l’urgence de la situation. Ainsi, en principe, le CSE, dans le cadre d’une consultation sur le PSE, ne peut se réunir qu’une fois avant de rendre ses avis. Pour autant, le Conseil d’Etat émet une réserve à cette règle. Dans un arrêt du 16 avril 2021 1, il envisage en effet le cas du recours à l’expert par le CSE.

Le rôle du CSE en matière de PSE

Rappelons-le, un Plan de Sauvegarde de l’Emploi doit être élaboré 2 dès lors :

  • Qu’est envisagé le licenciement d’au moins 10 salariés sur une période de 30 jours;
  • Que ces licenciements interviennent au sein d’une entreprise d’au moins 50 salariés.

Il a pour objectif d’éviter les licenciements, d’en limiter le nombre et de faciliter le reclassement du personnel dont on pourrait éviter le licenciement.

Dans ce cadre, le législateur impose à l’employeur l’information puis la consultation du Comité Social et Economique de l’entreprise. Le PSE peut faire l’objet d’une procédure unilatérale ou négociée.

La procédure unilatérale renvoie au cas dans lequel l’employeur élabore unilatéralement un plan de sauvegarde de l’emploi ainsi qu’un plan de licenciement 3. Dans ce cas, on consulte le CSE à la fois sur le projet de restructuration et sur le projet de licenciement 4, dans leur intégralité.

La procédure négociée est une procédure dans laquelle employeur et syndicats représentatifs dans l’entreprise mènent ensemble les réflexions correspondantes et négocient les mesures du plan 5. Dans ce cas, le contenu de l’accord étant négocié, certains points de l’accord constituant le PSE ne seront pas soumis à la consultation du CSE (nombre de suppression d’emplois, critères d’ordre, calendrier prévisionnel, mesures d’accompagnement 6) : seule l’opération économique fait l’objet d’une consultation. Les négociations peuvent commencer avant, concomitamment ou après le début de la procédure d’information-consultation. Cependant, les faire débuter avant permet de ne pas les enfermer dans les mêmes délais que la procédure.

En effet, la procédure d’information-consultation du CSE est enfermée dans des délais :

  • Le CSE doit tenir au moins 2 réunions espacées d’au moins quinze jours ;
  • A compter de la première de ces réunions, il doit rendre un avis sous 2 à 4 mois en fonction du nombre de licenciements envisagés.

Le CSE peut faire appel à l’assistance d’un expert pour l’exécution de sa mission de consultation. L’expert devra rendre son rapport au plus tard 15 jours avant l’expiration des délais de consultation du CSE.

 

Consultation du CSE à propos du PSE en procédure collective

Lorsque l’entreprise fait face à des difficultés, il est possible d’ouvrir une procédure collective à son profit. Il peut s’agir d’une sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire. Dans ces deux derniers cas de figure, l’employeur ou son représentant (administrateur ou liquidateur) peut envisager des licenciements économiques.

Dès lors, il conviendra d’élaborer un PSE. L’article L.1233-58 dispose, quant à la procédure d’information-consultation du CSE :

« L’employeur, l’administrateur ou le liquidateur, selon le cas, réunit et consulte le comité social et économique dans les conditions prévues à l’article L. 2323-31 ainsi qu’aux articles :

(…) 3° L. 1233-30, I à l’exception du dernier alinéa, et dernier alinéa du II, pour un licenciement d’au moins dix salariés dans une entreprise d’au moins cinquante salariés ; (…) »

Autrement dit, le CSE ne pourra se réunir qu’une fois dans le cadre d’une procédure collective.

 

Précisions apportées par le Conseil d’État

Le fait de ne prévoir qu’une réunion du CSE au lieu de deux est justifié par l’urgence de la procédure collective. Pour autant, cette réduction ne peut pas intervenir, selon le Conseil d’Etat, au détriment de la qualité de l’information reçue par le CSE.

Le recours à l’expertise a précisément pour objectif une meilleure analyse et une meilleure compréhension des mesures envisagées. Ainsi, si l’on peut solliciter cette assistance dans le cadre d’une procédure collective, encore faut-il que l’expert puisse la mener à bien. Il lui faut donc du temps !

Dans les faits rapportés par l’arrêt présenté, le CSE et un syndicat ont demandé l’annulation de l’homologation du PSE. Ils estimaient que l’expert n’avait pas disposé du délai légal pour rendre son rapport. Du fait du manque de temps et d’informations, le CSE n’avait pas pu rendre ses avis en connaissance de cause.

Selon le Conseil d’Etat :

  • Le fait de priver le CSE d’une seconde réunion a pour conséquence de priver d’effet le recours à l’expertise ;
  • L’administration ne peut homologuer un PSE qu’à condition de s’assurer que le CSE ait pris connaissance des analyses de l’expert, lui-même l’ayant rendu après l’expiration d’un délai suffisant laissé à l’expert pour réaliser sa mission.

Les règles dérogatoires en matière de procédure collective ne peuvent pas entraver la qualité de l’information du CSE. Il aurait donc dû pouvoir bénéficier de deux réunions et non d’une seule en l’occurrence !

 

Fanny Jean, Juriste/Consultante experte CSE

 

  1. Conseil d’Etat, 16 août 2021 ;
  2. Sur le PSE : article L.1233-61 du Code du travail ;
  3. Procédure unilatérale d’élaboration du PSE : article L.1233-24-4 du Code du travail ;
  4. Consultation du CSE : article L.1233-30 al 2 du Code du travail ;
  5. Procédure négociée d’élaboration du PSE : article L.1233-24-1 du Code du travail ;
  6. Article L.1233-30 du Code du travail ;
  7. Sur l’expert : articles L.1233-34 à -35-1 du Code du travail ;
  8. Article L.1233-34 du Code du travail.