La présentation d’un bon de délégation ne suffit pas à justifier de la bon utilisation du crédit d’heures de délégation

La seule présentation d’un bon de délégation n’est pas suffisante pour justifier de la bonne utilisation du crédit d’heures. C’est ce qu’a rappelé la Chambre sociale de la Cour de cassation le 16 février 2022 1.

Notion de crédit d’heures et bénéficiaires

Peuvent se voir accorder un crédit d’heures de délégation (article L.2315-7) :

  • Les membres de la délégation du personnel du Comité Social et Economique (CSE) ;
  • Les représentants syndicaux au CSE dans les entreprises d’au moins 500 salariés ;
  • Les représentants syndicaux au CSE central d’une entreprise d’au moins 500 salariés dont aucun des établissements n’atteint ce seuil.

Ainsi, ils bénéficient d’un crédit d’heures de délégation pour exercer leurs prérogatives dans l’entreprise.

Le volume de ces crédits d’heures dépend de l’effectif de l’entreprise et du nombre de membres au CSE. Le protocole d’accord préélectoral (PAP) peut le prévoir ; à défaut, la loi le détermine.

En effet, concernant la délégation du personnel au CSE 2 :

  • L’article L.2315-7 du Code du travail dispose d’un minima (10 heures pour les entreprises de moins de 50 salariés ; 16 heures au-delà) ;
  • A défaut de prévisions par le PAP, l’article R.2314-1 dispose du nombre d’heures à leur accorder (article R.2315-3).

Des circonstances exceptionnelles peuvent entraîner un dépassement exceptionnel du crédit d’heures. Il conviendra d’en justifier auprès de l’employeur pour pouvoir se faire rémunérer ce temps supplémentaire 3.

Les heures utilisées dans le cadre du crédit d’heures de délégation sont des heures assimilées à du temps de travail effectif et sont donc rémunérées comme telles 4. De ce fait, on applique le régime des heures supplémentaires de manière classique.

En revanche, on ne peut déduire les heures passées en réunion du crédit d’heures dans les entreprises d’au moins 500 salariés 5.

 

Utilité et modalités d’utilisation

Les élus utilisent ces heures de délégation pour exercer leur mission de représentation du personnel. Ils l’exercent donc sur leur temps de travail.

Pour autant, l’élu qui utilise son crédit d’heures pour des missions n’étant pas strictement associées à son mandat commet une faute et risque :

  • La suspension de mandat ;
  • Le remboursement, à l’employeur, de la rémunération versée au titre de ces heures.

En l’occurrence, l’employeur réclamait le remboursement en question. Le salarié n’avait pas répondu à sa demande de justification, arguant qu’un bon de délégation lui avait été présenté.

Pour la justification de l’utilisation du crédit d’heures, en pratique, l’élu présente un bon de délégation à l’employeur avant de quitter son poste. On y trouve la nature de son mandat, ses heures de départ puis de retour.

Cependant, ne s’agissant pas d’un procédé légal, ce sont les élus, avec l’employeur, décident de la pratique des bons de délégation. Il ne s’agit pas pour autant d’attendre une autorisation de sa part. Il ne fait que constater l’utilisation du crédit d’heures.

 

Contestation de l’utilisation conforme

Les heures de délégation sont présumées avoir été utilisées conformément à leur objet 6.

Par ailleurs, l’employeur qui en doute peut :

  • D’abord, demander au salarié la nature de l’activité menée pendant le temps dont il est question ;
  • Ensuite, s’il estime que le crédit a été mal utilisé, il peut saisir le juge prud’hommal et doit apporter la preuve de la mauvaise utilisation.

A ce stade, si le salarié n’est pas en mesure de prouver que son utilisation était conforme, alors il peut être condamné au remboursement des sommes versées au titre de ces heures à l’employeur. Il en est de même s’il refuse de réponse aux demandes de l’employeur.

Ainsi, l’arrêt du 16 février 2022 est intéressant en ce qu’il insiste sur le rôle des bons de délégation. En aucun cas la seule présentation d’un bon de délégation ne permet de prouver l’usage conforme du crédit d’heures. Il ne s’agit que d’une information préalable à l’utilisation du crédit d’heures.

 

Fanny JEAN, Juriste/Consultante experte CSE

 

  1. Chambre Sociale, Cour de cassation, 16 février 2022
  2. Voir, pour les représentants syndicaux au CSE, les articles R.2315-4 et R.2315-7
  3. aArticle L.2314-1 du Code du travail
  4. zArticle L.2315-10 du Code du travail
  5. eArticle L.2315-12 du Code du travail
  6. Chambre Sociale, Cour de cassation, 19 mai 2016