Contestation des conditions d’électorat et d’éligibilité

Un arrêt récent 1 est l’occasion de revenir sur la contestation des conditions d’électorat et d’éligibilité.

A intervalle régulier, dans les entreprises comptant au moins 11 salariés sur une période de 12 mois consécutifs 2, se tiennent les élections professionnelles. Elles ont précisément pour objectif de permettre aux salariés d’élire leurs représentants dans l’entreprise. Par ailleurs, elles permettent notamment de déterminer quelles organisations syndicales sont représentatives et ont la possibilité de négocier les accords collectifs.

Peuvent alors s’élever plusieurs litiges relatifs à la contestation des élections. Ils tiennent aux listes électorales, à leur déroulement, leur organisation, et au protocole d’accord préélectoral.

 

Conditions d’électorat et d’éligibilité

 

Le Code du travail pose les conditions d’électorat et d’éligibilité. Cependant, l’Inspecteur du travail peut accorder des dérogations après consultation des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. Tel sera le cas si le taux de personnes électrices/éligible est trop faible 3.

Sont électeurs 4 les salariés âgés d’au moins 16 ans révolus, d’une ancienneté d’au moins 3 mois, et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques.

Sont éligibles 5 les électeurs âgés d’au moins 18 ans révolus, d’une ancienneté d’au moins 1 an. Ne peuvent être élus les membres de la famille proche de l’employeur, pour des raisons évidentes d’indépendance de l’instance.

Les salariés à temps partiel ne peuvent pas non plus être simultanément élu dans plusieurs entreprises.

Les conditions d’ancienneté varient dans les entreprises de travail temporaire ou de portage salarial 6.

Les organisations syndicales 7 ont le monopole de présentation des listes de candidats au premier tour des élections. Cela leur permet de mesurer leur représentativité, à laquelle sont attachées des prérogatives.

Au second tour en revanche, les candidatures sont libres sous réserve du respect des conditions d’éligibilité.

 

Contestations relatives aux listes électorales et aux candidatures aux élections professionnelles

 

On distingue selon que la contestation porte sur les opérations électorales (établissement des listes électorales) ou sur la régularité des élection (candidatures). Si elle concerne les deux points, alors le délai le plus favorable pour porter la contestation devant le juge judiciaire est celui que l’on appliquera 8.

Dans tous les cas, la contestation devra être portée devant le juge judiciaire territorialement compétent. L’employeur n’a aucun droit en termes de modifications des listes de candidats.

Une contestation peut d’abord porter sur les listes électorales. La personne souhaitant engager une action devra l’intenter sous 3 jours à compter de leur publication 9.

Aussi est-il possible de contester le droit individuel de candidature. Dans ce cas, il convient d’agir devant le juge :

  • Soit dès le constat de l’irrégularité, sans qu’il ne soit besoin d’attendre les résultats ;
  • Soit sous 15 jours suivant la proclamation des résultats du 1er ou 2e tour en fonction du moment de l’élection du candidat.

Enfin, la contestation peut porter sur le droit d’une organisation syndicale à présenter une liste au 1er tour. En effet, l’organisation syndicale doit être :

  • Soit représentative ;
  • Soit être constituée depuis au moins deux ans et respecter les valeurs républicaines et d’indépendance.

 

Impossibilité de se faire communiquer les listes d’émargement hors contestation des élections auprès du juge

 

L’arrêt récent de la Cour de cassation s’inscrit dans ce cadre de contestation des élections.

Un protocole d’accord préélectoral prévoyait notamment le vote électronique et établissait la date d’appréciation des conditions d’électorat et d’éligibilité à la date de clôture du premier tour.

Plus précisément, un syndicat non signataire du protocole demandait l’annulation du 1er tour des élections parce que :

  • D’une part, on lui a refusé la communication de la liste d’émargement après la clôture du scrutin. Le syndicat arguait du droit d’accès à cette liste à la clôture du scrutin pour tout électeur, candidat et OS ayant déposé une liste de candidats ;
  • D’autre part, la contestation de l’éligibilité d’un candidat du fait de la date d’appréciation des conditions.

La Cour de cassation rejette la demande concernant la communication de la liste d’émargement. En effet, selon l’article R.2314-16 du Code du travail, seuls les membres du bureau de vote peuvent y avoir accès à des fins de contrôle du déroulement du scrutin. Par ailleurs, le juge ne peut y avoir accès qu’en cas d’action devant lui ayant pour objet la vérification des listes d’émargement.

En revanche, elle déclare que la contestation de l’éligibilité est un cas de contestation portant sur la régularité des élections. Il convient d’agir sous 15 jours suivant la proclamation des résultats, et non 3 jours après la publication de la liste électorale.

Enfin, elle rappelle que le protocole d’accord préélectoral ne peut déroger à la date d’appréciation des conditions d’éligibilité. Il ne peut qu’assouplir les conditions d’éligibilité et d’électorat, mais non en modifier la date d’appréciation. Il faut remplir ces conditions à la date du premier jour du scrutin.

 

Fanny Jean, Juriste/Consultante experte CSE

  1. Chambre sociale, Cour de cassation, 23 mars 2022 ;
  2. Calcul d’effectifs : article L.1111-2 du Code du travail ;
  3. Décision de l’Inspecteur du travail après consultation : article L.2314-25 du Code du travail ;
  4. Conditions d’électorat : article L.2314-18 du Code du travail ;
  5. Conditions d’éligibilité : article L.2314-19 du Code du travail ;
  6. Dispositions spécifiques aux entreprises de travail temporaire et de portage salarial : articles L.2314-20 à L.2314-24 du Code du travail ;
  7. Monopole des organisations syndicales dans l’élaboration de listes au 1er tour des élections professionnelles : article L.2314-5 du Code du travail ;
  8. Chambre sociale, Cour de cassation, 10 mai 2000 ;
  9. Modalités de contestation des élections : article R.2314-24 du Code du travail.