Considérer l’activité syndicale pour évaluer revient à discriminer

Les lois Rebsamen et El-Khomri accélèrent le mouvement législatif tendant à valoriser l’exercice du mandat syndical, mais aussi  à renforcer la protection de l’intéressé contre les discriminations, notamment en terme d’avancement de carrière.

Ces textes invitent les partenaires sociaux à négocier sur la conciliation entre vie professionnelle et vie syndicale, qui apparaît comme corolaire au poids des responsabilités confiées.

Mais en l’absence d’accord collectif organisant la neutralité ou la valorisation du parcours syndical, l’employeur doit s’abstenir de tenir compte de l’appartenance syndicale pour arrêter ses décisions, notamment en terme d’évolution de carrière. En effet, l’article L.2141-5 du Code du travail dispose qu’ il « est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. » 

C’est en visant les articles L.1132-1, L.1134-1 et l’article précité du même Code que la Chambre sociale de la Cour de cassation censure le raisonnement adopté par la Cour d’appel de Chambéry ayant conduit à l’exclusion de la qualification de discrimination syndicale dans l’évolution de carrière du salarié.

Dans l’affaire qui nous intéresse,  un salarié aux multiples casquettes de représentation du personnel estime avoir subi une inégalité de traitement injustifiée en raison de son activité syndicale.En appel, l’intéressé est débouté de ses demandes au motif que l’employeur avait établi que les remarques formulées au salarié étaient indifférente de son statut.

Autrement dit,  le comportement du salarié faisait l’objet de remarques avant même que celui-ci ne soit titulaire d’un mandat.  Sur ce fondement, les juges du fond écartent la discrimination syndicale dans l’évolution de carrière du salarié.

Sans surprise, la Cour de Cassation sanctionne cette position au visa des articles précités qui ont été violé par la Cour d’appel.

Non seulement l’employeur ne doit pas tenir compte de l’un des vingt critères discriminatoires prohibés par l’article 1132-1 du Code du travail, dont l’appartenance syndicale fait partie, mais plus encore, il revient à la partie défenderesse de démontrer que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination  en vertu de l’article L.1134-1 du même Code.

L’arrêt rendu le 1er février 2017 s’inscrit ainsi dans une lignée jurisprudentielle constante : le simple constat de l’appartenance syndicale du salarié dans la fiche d’évaluation est sanctionné (CS, 27 mai 2008, n°07-40.145), de même, l’employeur  ne peut évoquer l’existence du mandat syndical du salarié puisque seul l’application d’un accord collectif sur le déroulement de la carrière syndical l’y autorise (CS, 23 mars 2011, n°09-72.733)

 

Maria Daouki, juriste

CS, 1er février 2017, n°15-20799