Le représentant de l’employeur est un salarié comme un autre !
Le Conseil constitutionnel a déclaré l’article L.2314-18 du Code du travail inconstitutionnel tel qu’interprété par la Cour de cassation à plusieurs reprises. Elle excluait de l’électorat aux élections professionnelles tout salarié représentant l’employeur.
Cette décision 1 est l’occasion de revenir sur les conditions d’éligibilité et d’électorat en matière d’élections professionnelles. Ces conditions déterminent le champ d’application du principe de participation des travailleurs par l’intermédiaire de leurs délégués à la détermination des conditions de travail et la gestion de l’entreprise.
Quelles sont les conditions d’électorat ?
L’article L.2314-18 dispose que sont électeurs les personnes répondant aux conditions cumulatives suivantes :
- Salariés de l’entreprise ;
- Agés de 16 ans révolus ;
- Ancienneté d’au moins 3 mois ;
- N’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques.
Quelles sont les conditions d’éligibilité ?
L’article L.2314-19 dispose que sont éligibles les personnes répondant aux conditions cumulatives suivantes :
- Salariés de l’entreprise ;
- Agés de 18 ans révolus ;
- Ancienneté d’au moins 1 an ;
- N’étant pas conjoint, partenaire d’un pacte civil de solidarité, concubin, ascendants, descendants, frères, sœurs et alliés au même degré de l’employeur.
Le cas particulier de l’employeur et de ses délégataires de pouvoir.
Selon la lettre des articles L.2314-18 et -19, seuls les salariés sont susceptibles d’élire et de se faire élire au CSE.
Par conséquent, l’employeur en est exclu. La Cour de cassation a, depuis 2006 2, interprété cette disposition.
En effet, selon elle, l’exclusion de l’employeur a pour effet d’exclure également toute personne représentant l’employeur auprès des salariés ou du CSE. Elle le dit en ces termes :
« ne peuvent exercer un mandat de représentation les salariés qui, soit disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise, soit représentent effectivement l’employeur devant les institutions représentatives du personnel ».
Ainsi, ils sont souvent assimilés à des cadres dirigeants, définis par le Code du travail comme : « les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement » 3 .
Pourtant, les représentants de l’employeur n’en restent pas moins des salariés. Ils bénéficient alors du principe de participation des travailleurs. Ce principe est garanti par le droit de voter et de se présenter aux élections professionnelles.
De ce fait, tout salarié devrait avoir le droit de participer au vote. S’agissant d’un droit constitutionnellement garanti, on ne peut y porter atteinte de manière disproportionnée.
Ainsi, la position de la Cour était donc largement contestable. Elle l’a cependant réitérée à plusieurs reprises, y compris après la réforme opérée par les ordonnances Macron de 2017 4.
L’inconstitutionnalité d’une telle exclusion.
Un syndicat a finalement saisi le Tribunal de Bourg-en-Bresse d’une question prioritaire de constitutionnalité à cet égard. La question était la suivante :
« La disposition de l’article L. 2314-18 du code du travail telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour de cassation, en privant certains travailleurs de la qualité d’électeur aux élections professionnelles, et en n’encadrant pas mieux les conditions de cette exclusion et en ne les distinguant pas des conditions pour n’être pas éligibles, ne méconnaît-elle pas le principe de participation des (…) défini au point 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ? »
La Chambre sociale de la Cour de cassation a examiné la question 5, puis a saisi le Conseil constitutionnel.
Le constat du Conseil constitutionnel est sans appel. Le texte doit faire l’objet d’une abrogation pour atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs. Ainsi, il convient de ne plus l’interpréter comme le faisait la Chambre sociale.
Cependant, l’abrogation a été reportée au 31 octobre 2022 pour laisser le temps au législateur d’adopter un texte permettant :
- de rétablir les conditions d’électorat ;
- d’établir des conditions précises d’exclusion des représentants de l’employeur, s’il décide de conserver cette position.
Par conséquent, tout salarié, même représentant l’employeur, est susceptible d’être électeur.
Fanny Jean, Juriste/Consultante experte CSE
- Décision n°2021-947 QPC du 19/11/2021
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