Comment le CSE peut anticiper les risques liés à la désorganisation du travail ?

Comment le CSE peut anticiper les risques liés à la désorganisation du travail ?

Le CSE, dans le cadre de ses prérogatives, va avoir un rôle dans la protection de la santé des salariés. Il va, notamment, avoir accès à certaines informations permettant d’alerter l’employeur en cas de désorganisation du travail formalisée par un absentéisme en hausse, une surcharge de travail, une multiplication du recours aux heures supplémentaires… Une désorganisation du travail peut avoir de lourdes conséquences sur la santé des salariés ainsi que sur la performance de l’entreprise.

La notion de désorganisation du travail

La désorganisation du travail survient lorsque l’entreprise ne parvient plus à aligner ses ressources humaines, matérielles ou organisationnelles sur l’activité réelle. Elle peut avoir un effet direct sur la charge de travail des salariés et donc sur leur santé.

Une désorganisation va s’illustrer par certains indicateurs :

  • L’augmentation de l’absentéisme : un département ou service dans lequel un ou plusieurs salariés s’absentent pour maladie notamment peut révéler une surcharge ou un malaise organisationnel. L’absence d’un ou plusieurs salariés du service peut avoir des répercussions directes sur la charge de travail des autres salariés.
  • Le recours excessif aux heures supplémentaires : une augmentation ou une généralisation du recours aux heures supplémentaires peut être un signal d’un mauvais calibrage des effectifs et donc d’une désorganisation du travail. Dans la même logique, un recours massif à l’intérim peut traduire un sous-dimensionnement chronique des effectifs par rapport à l’activité de l’entreprise.
  • Le turnover : une rotation élevée des effectifs traduit une instabilité qui désorganise les équipes. Les périodes d’adaptation des nouveaux entrants peuvent générer une charge de travail accrue pour les salariés déjà en place

Ces indicateurs ne doivent pas être pris isolement. Ils vont constituer un faisceau d’indices que le CSE doit apprendre à analyser au travers de la BDESE.

La BDESE comme outil de diagnostic

Les articles R2312-8 et R2312-9 du Code du travail énoncent les données qui doivent figurer dans la BDESE en fonction des effectifs présents dans l’entreprise.

Afin de mesurer l’adéquation entre les effectifs et l’organisation du travail, certaines données apparaissent indispensables :

  • L’évolution de l’effectif : un effectif à la baisse alors que l’activité reste stable va augmenter la charge de travail des salariés. Cette donnée peut aussi être analysée par département. Sur la même thématique, un suivi des départs/embauches permet une analyse du taux de turnover, mais aussi des éventuels postes non remplacés dans l’entreprise. Le CSE qui constate un turn-over élevé dans l’entreprise ou dans un département doit s’interroger sur les causes de celui-ci, car cela pourrait être dû à une organisation du travail inadaptée.
  • L’absentéisme : dans les entreprises de plus de 300 salariés, la BDESE doit contenir les données relatives aux absences des salariés et notamment l’évolution du nombre de jours d’absence. L’absentéisme, à lui seul, ne permet pas de tirer de conclusions sur l’adaptation de l’organisation du travail. C’est une donnée qu’il est intéressant d’analyser au regard de l’évolution du recours aux heures supplémentaires. En effet, en cas d’augmentation de l’absentéisme et d’augmentation du recours aux heures supplémentaires, il sera possible de constater que la charge de travail des salariés absents pèse sur les présents et donc à terme cela pourrait être révélateur d’une désorganisation de l’entreprise. L’augmentation régulière de la charge de travail des salariés présents afin de compenser toute absence démontre un calibrage inadapté des effectifs de l’entreprise.
  • La formation : la BDESE intègre un volet formation important. Cet indicateur informe sur la capacité de l’entreprise à anticiper. Une entreprise qui ne forme pas suffisamment prend le risque de voir ses équipes dépassées par l’évolution des compétences. Cette désorganisation générera alors de la frustration chez les salariés, mais aussi une perte de productivité pour l’employeur.

Les leviers du CSE pour agir face à la désorganisation

Une fois le diagnostic établi, le CSE dispose de plusieurs leviers.

La consultation annuelle sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi (PSCTE), prévue par l’article L2312-26 du Code du travail, permet de confronter l’employeur aux tendances constatées et de le questionner sur celles-ci.

L’article L2312-60 du Code du travail introduit un droit d’alerte du CSE en cas de danger grave et imminent pour la santé des salariés. Un membre du CSE pourra donc déclencher un droit d’alerte si une surcharge de travail ou des pratiques organisationnelles défaillantes portent atteinte à la santé des salariés.

Le recours à l’expertise

Lors de la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi, le CSE pourra recourir à un expert qui sera intégralement pris en charge par l’employeur.

L’expert pourra obtenir toute information qu’il estime nécessaire à l’exercice de sa mission (article L2315-83 du Code du travail). L’information délivrée ne sera donc pas limitée aux éléments de la BDESE.

L’expert pourra obtenir des données individualisées permettant de consolider le diagnostic, de croiser les données et de formuler des préconisations.

La nécessité de propositions émanant du CSE

Une fois le constat établi, le CSE doit être force de proposition. Pour cela, il pourra proposer la mise en place d’outils de planification plus fiables ou encore un meilleur suivi des absences afin d’anticiper les remplacements.

La mise en place de dispositifs de prévention des risques psychosociaux, tels que des comités pluridisciplinaires, nous apparaît être un axe à privilégier face à ce type de problématiques. Ces comités ou groupes de travail peuvent permettre un suivi des indicateurs évoqués précédemment dans des zones de travail spécifiques et prévoir la mise en place de solutions si la situation devient préoccupante.

La mise en place d’espaces d’expression pour les salariés, d’ajustements de la charge de travail ou encore de dispositifs de soutien en cas de surcharge ponctuelle sont aussi des réponses envisageables afin de lutter contre les risques liés à une désorganisation de l’entreprise.

Conclusion

La désorganisation du travail est un risque qui peut avoir des conséquences importantes sur la santé des salariés, mais aussi sur la productivité de l’entreprise. Le CSE détient des outils dans le but de l’anticiper et de la prévenir. La consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi notamment, va permettre l’étude d’indicateurs cruciaux pour l’entreprise. Le rôle du CSE n’est pas seulement de constater, mais de transformer un ressenti général en arguments objectifs. En utilisant l’intégralité des outils mis à sa disposition, le CSE utilise le dialogue social comme un véritable outil de prévention et d’amélioration des conditions de travail. En cas de besoin, n’hésitez pas à nous contacter !